Le poison du régionalisme

Les finances de la Région wallonne se sont largement détériorées. La dette publique aurait doublé. Et cela risque de s’aggraver.

Les politiciens au gouvernement évoquent le Covid, les inondations de 2021, l’inflation et la hausse des prix pour expliquer cette flambée de la dette. Mais ce sont surtout les milliards de cadeaux au patronat qui coulent les finances de la Région. 

La dette sert ensuite à justifier des politiques d’austérité et relancer le différend entre finances flamande et wallonne.

Historiquement, la Belgique s’est retrouvée formée de régions différentes, comme tous les Etats européens naissants il y a 200 ou 250 ans. Mais la bourgeoisie belge, uniquement francophone à l’époque, ne s’est jamais souciée de résoudre la misère des paysans flamands ni de reconnaître les droits culturels et linguistiques de la population du Nord du pays. Plus grave, le mouvement socialiste a mis ses pas dans ceux de la bourgeoisie francophone, refusant de reconnaître la langue flamande et l’accès aux emplois publics de la population flamande.

La deuxième guerre mondiale a rebattu les cartes, et surtout, l’arrivée par la mer du charbon et du minerai de fer ont entraîné le transfert de toute une partie de l’économie de la Wallonie vers la Flandre. Dans les années 50, la Flandre devenait plus riche que la Wallonie.

La question royale en 1950 a divisé le pays, avec une Flandre pour le retour du roi et une Wallonie contre. Mais cela n’avait pas une importance déterminante pour les travailleurs.

Par contre lors de la « grande grève » de 1960-1961 contre la loi unique qui s’attaquait au niveau de vie de tous les travailleurs après la perte du Congo pour la bourgeoisie belge, la classe ouvrière du Nord et du Sud du pays étaient ensemble dans la lutte.

Et c’est là que le Parti socialiste et la FGTB ont utilisé le régionalisme pour diviser la classe ouvrière.

Lors de la grève de 1960-61, des milliers de travailleurs étaient prêts à dépasser les consignes syndicales pour s’unir par-delà les clivages linguistiques et confessionnels. 

Mais les dirigeants FGTB de la sidérurgie wallonne, et en particulier André Renard, ont refusé la jonction des grèves du Nord et du Sud du pays et ont mis en avant la revendication d’une Wallonie autonome et socialiste. Cela leur permit de mener la lutte dans une voie de garage et de diviser les travailleurs, plutôt que de les unir contre le gouvernement et la bourgeoisie.

La perspective d’autonomie de la Wallonie était présentée comme le remède au déclin industriel de la Région et un moyen de parvenir au socialisme par des « réformes de structure ». L’état actuel de la Wallonie, permet de réaliser l’ampleur du mensonge que c’était.

La démagogie communautaire ne s’est pas arrêtée là. A partir des années 1970, les grands partis se sont scindés en deux ailes francophone et flamande et ils ont débuté la « fédéralisation de l’Etat », la création de régions et de communautés gérées séparément. 

En particulier, les politiciens francophones, notamment ceux du PS largement majoritaires, avec l’appui des dirigeants de la FGTB, voulaient plus d’indépendance pour mieux arroser les capitalistes wallons. Cela a permis à Albert Frère, Boël et d’autres, de construire leurs fortunes… et la transmettre à leurs héritiers pendant que le chômage augmentait !

Au fil des réformes, les régions ont acquis des compétences et des ressources financières au détriment de l’Etat fédéral. Mais cela n’a absolument pas permis un redressement économique de la Wallonie. Au contraire, la régionalisation a été utilisée comme une arme contre la classe ouvrière. Des compétences, comme l’enseignement, ont été transférées avec des budgets insuffisants,  un prétexte pour licencier et couper dans les budgets. Ensuite, les travailleurs flamands et francophones ont été attaqués chacun à leur tour rendant plus difficile l’unité de leurs forces. Les politiciens peuvent alors justifier leurs réformes en blâmant par exemple « les Wallons fainéants » ou « les Flamands égoïstes» pour masquer leur soumission à la grande bourgeoisie, qui elle est unie contre les travailleurs.

Suite à la sixième réforme de l’Etat votée par le gouvernement Di Rupo, les transferts financiers de l’Etat fédéral vers la Wallonie et Bruxelles vont progressivement être arrêtés. Ces deux régions étant plus pauvres que la Flandre, les problèmes vont s’aggraver.

En Flandre, malgré une plus grande activité économique, la situation des travailleurs n’est guère meilleure. Certes, le chômage y est inférieur. Mais malgré les promesses d’une « Flandre sociale » des partis nationalistes, les gouvernements flamands successifs multiplient les attaques contre les travailleurs. Dans leur dernier budget, ils ont gelé les allocations familiales et dans le même temps, ont versé 17,8 milliards d’euros de subsides  majoritairement aux grandes entreprises.

Comme tous les nationalismes et régionalisme, la politique communautaire divise les travailleurs et est utilisée par les capitalistes. Mais lorsque des luttes de grande ampleur seront de nouveau d’actualité, la classe ouvrière belge ne manquera pas de retrouver le chemin de l’unité, comme on le voit à chaque manifestation à Bruxelles.