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Delhaize, Mestdagh, et suivants… Pour une riposte commune des travailleurs !

Après les annonces du passage en franchise des magasins Mestdagh, et la fermeture des magasins Makro en décembre, c’est au tour de Delhaize d’annoncer le passage en franchise de l’ensemble des magasins qui ne le sont pas encore. La colère et l’opposition face à une telle annonce a poussé le personnel à se mettre en grève spontanément dans la grande majorité des magasins concernés. La franchise, c’est moins de personnel, plus d’heures de travail, moins de salaire, de jours de congé, le travail imposé le dimanche, moins de délégation syndicale, c’est-à-dire une perte sur toute la ligne. Et pour les clients aucun avantage, voire même des prix plus élevés.

L’attaque généralisée de la grande distribution contre les salariés ne s’arrêtera pas là. Le patron de Comeos, la fédération des patrons des commerces, a déjà annoncé : « une prochaine enseigne -dont je tairais le nom- suivra prochainement le même procédé. ». Carrefour, Lidl, Colruyt, Aldi, Cora, chaque groupe pourrait être le prochain sur la liste.

Malgré les bénéfices mirobolants obtenus avant et depuis le Covid (un bénéfice net de 2,5 milliards pour Delhaize en 2022), les patrons de la grande distribution font payer aux travailleurs la crise qu’ils ont contribué à déclencher. Car la hausse des prix répercutée dans les supermarchés vient de la spéculation généralisée des capitalistes sur l’énergie et les denrées alimentaires. En augmentant leurs marges à travers l’augmentation des prix, ces sangsues diminuaient en même temps le pouvoir d’achat des travailleurs, qui ont réduit leurs achats et se sont tournés vers les produits moins chers.

Cette spirale d’inflation pousse les patrons de magasins à encore augmenter leurs prix pour garder leurs marges ou à s’attaquer aux salaires et conditions de travail des employés. Ce n’est pas seulement dans la grande distribution, c’est l’ensemble des salaires de la classe laborieuse qui diminuent, ne serait-ce qu’avec le chômage, alors que la charge de travail s’accroît. Et quand les achats se reportent sur les produits blancs, les capitalistes n’hésitent pas à les augmenter bien plus que les autres, ne laissant plus aucune marge de manœuvre à la grande majorité des consommateurs. Les actionnaires eux, n’ont qu’à enchaîner les plans de restructuration, fermer les magasins moins rentables, pour investir ailleurs, souvent dans la spéculation.

Ces attaques touchent l’ensemble des travailleurs, y compris ceux des enseignes déjà franchisées, qui risquent de voir leur situation s’aggraver encore plus, notamment avec l’ouverture de plus de magasins le dimanche.

Des salariés de Delhaize se sont adressés directement, ou sur les réseaux sociaux, à leurs collègues des magasins franchisés et des autres enseignes, car leurs luttes concernent au moins tout le secteur de la grande distribution. Pour montrer à la direction qu’elle ne peut pas faire ce qu’elle veut impunément, et la faire reculer autant que possible. Il n’y a pas d’autre voie qu’une lutte des employés de la distribution, franchisés ou pas, et en réalité des travailleurs de tous les secteurs, production et distribution, public et privé, pour se préparer à un combat à la hauteur de toutes les attaques.

La concertation sociale que prônent les directions syndicales a montré depuis longtemps son inefficacité. D’autant plus que les patrons mentent comme ils respirent ! Ceux de Delhaize osent affirmer que la perspective de se débarrasser de tous les magasins n’était pas envisagée lorsqu’il y a quinze jours ils ont affirmé devant les syndicats qu’il n’y aurait pas de restructuration ! Ce serait une décision à plusieurs milliards qui se serait prise en deux semaines ! Ils se foutent des syndicalistes… et de tous les employés !

En réalité, les seules victoires qu’obtiennent les travailleurs, c’est par le rapport de force et la mobilisation.

L’aggravation des crises amènera les capitalistes à multiplier les attaques contre tous les travailleurs. Et la guerre en Ukraine nous rappelle que la concurrence et les guerres économiques que les capitalistes se mènent entre eux, sur le dos des travailleurs, peut vite se transformer en affrontements militaires avec la peau des travailleurs.

Les luttes d’aujourd’hui pour défendre les conditions de travail et les salaires préparent les luttes nécessaires contre la guerre, pour une société débarrassée du capitalisme !

L'actualité en bref

Grève chez BPost

Ras-le-bol ! Fin février, des travailleurs de Bpost ont fait une grève de 24h. Les raisons sont multiples, la direction aggravant régulièrement les conditions de travail par des “réorganisations”, augmentant encore la pénibilité du travail et la surcharge aggravée par le nombre croissant de colis.

Les grévistes commentent : “Les tournées sont absurdes. On voit que c’est fait dans des bureaux par des gens qui n’ont jamais fait ça. Elles varient entre 500 et 1 400 boîtes aux lettres. Les risques du trafic, les limitations de vitesse, les amendes… sont à la charge des facteurs, et la direction s’en lave les mains ! Des facteurs se voient forcés de continuer jusqu’à 17h voire 18h en ayant commencé à 6h.” Une manière de diviser les travailleurs entre ceux qui ont une tournée à peu près correcte, et d’autres qui n’ont que des tournées trop longues. Ce qui n’empêche pas certains travailleurs moins chargés d’être mobilisés pour la grève. 

Les plus exploités sont les intérimaires qui se retrouvent avec les tournées les plus dures, et qui remplacent les nombreux facteurs en congé maladie. Pour les intérims, pas question de se porter malade, car c’est prendre le risque de ne pas être repris. “Les chefs te le disent ouvertement, si tu as mal au dos tu n’as qu’à trouver du boulot ailleurs”. Quand on sait que presque 3 000 travailleurs sont chaque jour en maladie sur les 24 000 que compte l’entreprise, il y a de quoi être en colère ! 

Et la concurrence entre BPost, Amazon et d’autres aggrave la situation du personnel.

Les travailleurs, conscients du travail utile qu’ils mènent, sont aussi dégoûtés des priorités que donne la direction. “Quand tu n’as pas le temps de faire ta tournée, on te dit de distribuer seulement les réclames, les courriers et colis passent après.”

La “grande famille” Delhaize… Celle des patrons ou des travailleurs ?

Avec l’annonce de franchisation des magasins Delhaize, la presse enchaîne les articles rappelant la longue histoire de l’enseigne, et prétendant qu’il en aurait été tout autrement si la chaîne était restée “familiale” et belge. 

C’est l’occasion de rappeler que la famille Delhaize n’a jamais été différente des autres capitalistes, cherchant à maximiser son profit sur le dos de ses travailleurs, belges ou étrangers. Dès 1950, par exemple, la famille Delhaize possédait un grand nombre de petites épiceries, mais un nombre immense également de concessionnaires indépendants, l’équivalent des franchisés actuels. Et c’est déjà sur l’exploitation de leur soi-disant famille de travailleurs que les frères Delhaize ont accumulé leurs premiers millions.

Quelques années plus tard, en 1962, la famille Delhaize est entrée en bourse, diversifiant ses investissements, et rachetant des magasins partout dans le monde. Aux États-Unis la famille ouvre un grand nombre de magasins où règnent des conditions de travail désastreuses. 

En Belgique, les menaces de licenciement d’un travailleur qui avait tenté de se syndiquer en 1992 provoquent une importante campagne syndicale pour dénoncer les agissements du groupe, notamment en publiant une brochure intitulée “La vérité sur la façon dont Delhaize traite ses employés… et la réaction des employés en Belgique”. 

Quand la compagnie hollandaise Ahold a cherché à racheter Delhaize pour y opérer une restructuration, c’est sans sourciller que les descendants de Delhaize ont remis la direction de leur entreprise entre les mains de capitalistes encore plus compétents pour exploiter les travailleurs.

La seule famille qu’ont les travailleurs, c’est leurs frères et leurs sœurs prolétaires du monde entier. Il n’y a que sur eux-mêmes qu’ils peuvent compter pour améliorer leur sort. Si les conditions de travail sont meilleures chez Delhaize qu’ailleurs, ce n’est pas parce que les patrons y sont plus respectueux mais parce que la “grande famille” des travailleurs de Delhaize a pu contrer partiellement la course au profit de la famille Delhaize.

Delhaize – Les leçons des mobilisations de 2014

En 2014 déjà, dès l’annonce des 2 500 licenciements et de la fermeture de 14 magasins, de nombreux travailleurs avaient débrayé, et une trentaine de magasins s’étaient retrouvés en grève sans mot d’ordre des syndicats. 

Assez vite, les directions syndicales avaient appelé à arrêter la grève pour tenter d’entreprendre des négociations avec la direction. Elles avaient notamment lancé une pétition pour soutenir les “Delhaiziens”. Bien que Cora avait annoncé 447 licenciements un mois seulement après l’annonce de Delhaize, aucune action commune n’avait été entreprise par les syndicats. 

Pendant plusieurs mois, les jours de grève s’étaient enchaînés ponctuellement, parfois à l’appel des syndicats, et parfois à l’initiative des travailleurs, au rythme des “négociations” (ou plutôt des refus de céder quoi que ce soit de la part de la direction). 

Aucun plan de grève plus ambitieux n’avait été proposé par les directions syndicales. C’est seulement à l’approche des fêtes de fin d’année, 6 mois après l’annonce des licenciements, que la direction proposa un accord pour obtenir une trêve pendant les fêtes. Les directions syndicales s’empressèrent d’accepter l’accord et de le faire voter par les grévistes. Pourtant, pendant ces mêmes négociations, 18 magasins étaient entrés en grève spontanée, montrant la détermination du personnel à poursuivre la mobilisation. 

Finalement, l’accord passé par les syndicats diminuait le nombre de licenciement à 1 800, le nombre de magasins fermés à 10, mais acceptait en compensation un gel des salaires sur 5 ans, la suppression d’un jour de congé d’ancienneté, et la diminution de 90 € des salaires des nouveaux embauchés. 

Une victoire bien amère après des mois de mobilisations. Surtout que, comme les syndicats le reconnaissaient eux-mêmes à l’époque, “l’effet d’annonce [de la direction] est toujours un peu amplifié pour laisser de la marge”.