Violences policières impunies : la justice protège les forces de répression

La police a une place particulière dans cette société où une minorité de capitalistes et de patrons exploitent une majorité de la population. Par la loi, la police détient le monopole de la violence légale. Dans les rues, dans les lieux publics et jusqu’aux domiciles des habitants quand ils ont dans leurs mains un mandat, les policiers ont l’autorité sur la population et peuvent faire usage de la force.

Mais les violences policières illégales sont fréquentes et nombreuses. Le « Comité P », chargé du contrôle de l’institution policière en Belgique, recensait dans son rapport pour l’année 2022 734 cas de violence physique, 371 cas de violence verbale et 290 cas d’attitude agressive. En réalité, ces chiffres, dépendant du nombre de plaintes déposées, sous-estiment très largement la réalité des faits.

Ces actes violents, même quand ils sont déclarés, restent la plupart du temps impunis. Les familles des victimes, quand elles portent plainte, doivent traverser des procédures judiciaires qui prennent des années et les verdicts, sans cesse reportés, finissent bien souvent par l’acquittement des policiers inculpés.

Mehdi Bouda : une mort injuste

Quatre ans après la mort de Mehdi Bouda, garçon de 17 ans renversé par une voiture de police, la procédure judiciaire de l’affaire continue. La famille réclame le renvoi des 4 policiers impliqués, mais face à elle le parquet réclame un non-lieu.

La mort révoltante de Mehdi eut lieu en mai 2019. Une voiture de police l’avait percuté à 98 km/h dans une zone pourtant limitée à 30, sans sirène et à contre sens, à hauteur d’un passage pour piéton.

Comme le témoigne son frère, qui a dû visionner les vidéos des caméras, cet homicide certes involontaire, résulte d’un défaut de prévoyance mais aussi d’un traitement absolument inhumain et dégradant par les policiers conduisant le véhicule.

Juste après l’impact, constatant que Mehdi était tombé inconscient mais respirait encore, ces policiers n’ont posé aucun geste de secours et n’ont pas tenté de le réanimer. En revanche, ils ont bien fouillé ses poches et son sac pendant qu’il gisait entre la vie et la mort. Ce n’est que plusieurs minutes plus tard, lorsque de l’aide est arrivée, que Mehdi reçut finalement mais en vain, des soins.

Jozef Chovanec : ordonnance reportée au 3 juin

Une autre affaire toujours en attente : celle de Jozef Chovanec, décédé à l’hôpital en février 2018, à la suite d’un malaise cardiaque qui avait eu lieu trois jours plus tôt, dans une cellule.

À l’aéroport de Charleroi, où il comptait prendre l’avion, Jozef avait été « maîtrisé » de manière brutale par des policiers. Amené en cellule car pris d’une crise, il s’était frappé la tête plusieurs fois contre le mur. Les policiers l’ont plaqué à plat ventre, lui ont enveloppé la tête dans une couverture et l’ont maintenu très fermement par terre avant de lui injecter une dose de calmant.

Les images des caméras de la cellule montraient des agents souriants dont une policière effectuant un salut nazi. Voici le contexte dans lequel il a fait un malaise.

La population réagit

Ces violences et cette très fréquente impunité de la police entraînent des réactions. Ceux que cette situation révolte cherchent et utilisent des moyens pour lutter contre les injustices.

Père en colère

Le “collectif Isos” a été créé à l’initiative d’un père dont le fils avait été arrêté le 24 janvier 2021 lors d’une manifestation « contre la justice de classe et la justice raciste ».

Ce jour-là, la police avait arrêté 245 personnes, dont des dizaines de mineurs. Ceux-ci, en sortant de cellule, ont dénoncé un niveau de violence et de racisme inouï. Ils témoignaient avoir subi des coups ainsi que des insultes sexistes et racistes.

Isos tente de faire reconnaître les violences subies par ces jeunes et par d’autres. Il a également consulté les rapports du Comité P et a dénoncé une différence importante entre le nombre de plaintes entrantes et le nombre d’affaires traitées au tribunal.

Mères en colère

Le « Comité zone Midi contre les violences policières » est un groupe de mères qui dénoncent les violences verbales et physiques très fréquentes que la police fait subir aux personnes d’origine étrangère. C’est dans cette zone de la Gare du Midi à Bruxelles, qu’ont eu lieu notamment la mort d’Adil Charrot en 2020, des passages à tabac filmés au sein du commissariat ou encore des vidéos de policières prononçant des insultes racistes.

Ces mères vont interpeller les membres du conseil de police local. Elles s’étaient entre autres mobilisées contre une brigade accusée de brutalité, qui avait fini par être dissoute en 2021. Ou encore contre l’injustice de la mort d’Adil, dont le principal policier mis en cause a fini par être écarté en février 2024.

L’une d’elles dénonçait aussi une situation au commissariat Démosthène. Un policier qui avait porté des coups de poings, s’en était sorti indemne, car le PV de police rapportait « des claques portées à main ouverte à un détenu agité et donc par légitime défense ». La réalité dévoilée par après par les caméras était tout autre : celle d’une victime attachée à une chaise et subissant des coups répétés sous l’œil passif des collègues. Le policier concerné est toujours en fonction.

« Outils solidaires contre les violences »

Cet autre groupe de militants se donne pour objectif de proposer des outils de propagande, de média et de logistique aux victimes et familles des victimes de violences policières. En visibilisant les affaires, apportant du soutien organisationnel, par acte de solidarité.

C’est grâce à l’action de toutes ces femmes et ces hommes, révoltés par la violence et le racisme de la police, que ces actes de violence n’ont pas pu être cachés sous le tapis.

La police, un outil de répression…

Pourquoi la police est-elle pénétrée par le racisme ? Par la xénophobie ? Par l’extrême-droite ? Pourquoi, si régulièrement, la population se retrouve-t-elle victime de bavures venant d’une institution censée la protéger ?

En réalité, cette situation ne peut réellement se comprendre qu’en se posant la question du point de vue social : sur le terrain des classes. Car les femmes et les hommes qui rejoignent la police ne sont pas, de manière innée, des individus violents ou racistes. Bon nombre d’entre eux s’engagent dans la police en y voyant un métier leur permettant de jouer un rôle utile à la société.

Mais la police est une institution de l’Etat, et l’Etat est le garant du maintien de l’ordre pour la classe bourgeoise qui a le pouvoir dans cette société. Pour s’assurer du maintien du pouvoir de la minorité bourgeoise, l’Etat doit compter sur les policiers qui agissent sur le terrain. Pour cela, il démontre à chacun d’eux que la hiérarchie les protège, que tant qu’ils resteront du côté du pouvoir, ils seront protégés.

L’institution de la police habitue ainsi ses agents à éviter les sanctions, qu’il s’agisse de propos racistes en huis clos dans le commissariat, de références au nazisme, de coups à un détenu en garde à vue, jusqu’à la mort d’adolescents… Les bavures sont couvertes et acceptées par la hiérarchie. Pire, celles et ceux qui tenteraient de s’y opposer, discutant avec leurs collègues policiers qu’ils ne sont pas d’accord avec de tels agissements risquent, eux, de recevoir des remarques voire des menaces venant de leur supérieur.

Des exceptions ont cependant lieu et des policiers, très rarement, reçoivent une sanction. Lorsque la hiérarchie n’a plus le choix, que les affaires ont été révélées publiquement, que les victimes ont eu le courage d’affronter les procès et toutes les pressions qui viennent avec, sans que ça finisse dans une impasse.

… dans les mains de la bourgeoisie

Si la police est si importante pour la classe capitaliste, c’est parce que celle-ci en a besoin lorsque la classe ouvrière défend ses intérêts.

Car si les « forces de l’ordre » sont souvent absentes pour aider la population à régler ses problèmes quotidiens : dans les quartiers, dans les domiciles faces aux pères violents par exemple… elles sont en revanche toujours au poste lorsqu’il s’agit d’organiser la répression des révoltés.

Lors de n’importe quelle manifestation, lors de n’importe quelle grève, lors de chaque mobilisation des travailleurs, la police se tient prête à son poste : face aux travailleurs.