Témoignage d’un travailleur de l’hôtellerie

Nouvel an 2023, les impacts directs de la pandémie semblent être enfin passés pour l’industrie hôtelière. L’année 2022 s’est trouvée être celle du plus gros chiffre d’affaires trimestriel jamais réalisé par le groupe hôtelier pour lequel je travaille. 

A Bruxelles, on peut compter sur les réunions des institutions européennes, de l’OTAN, de grandes entreprises et sur les multiples salons, sans compter les touristes de loisir qui passent par chez nous. 

Pourtant, ce mois de janvier, comme toujours pour l’industrie hôtelière bruxelloise, est synonyme de peu de chambres vendues. Pas de problème pour le patron, le chômage économique est là. Veuillez préparer vos cartes de chômage ! Certains jours l’hôtel est quand même complet ? Oui, mais on ne va pas mettre une personne en plus lorsqu’on est en janvier à Bruxelles  ! Faites plus avec moins, c’est tout. On vous met sur le fil, à vous de croiser les doigts pour que ça passe. Et parfois, ça ne passe pas. Car oui, il est arrivé ce mois de janvier de vendre plus de chambres que l’hôtel n’en a physiquement. Le pari du patron est qu’il y aura des annulations de dernière minute voire des clients qui ne se présenteront tout simplement pas. Or les clients absents payent des frais d’annulation et quand la chambre est vendue à un nouveau client, le patron vend deux fois la même chambre ! 

Et si tous nos clients arrivaient ? C’est la faute à pas de chance, pour le client sans chambre bien sûr et puis pour les équipes qui se retrouvent à expliquer l’injustifiable. Le groupe hôtelier, lui, aura atteint ce jour-là son objectif de vente : 100% et plus. Business accompli.

Les ventes, c’est très bien, mais vendre en ayant le minimum de coûts, c’est encore mieux. Le rêve du patron, c’est que nous soyons toujours plus flexibles et plus compétitifs, c’est-à-dire qu’il puisse disposer de nous à n’importe quel moment et nous payer toujours moins la valeur de notre travail. Même quand il y a des ventes, on est toujours de trop pour lui.

Pour garantir les profits, il n’y a pas de limite : mensonge aux clients, chômage économique, charge de travail toujours accrue. Une pression qui nous impacte dans nos corps, nous épuise, nous rend malades et pèse sur nos vies privées. Et l’Etat, en leur permettant de nous mettre au chômage, aide les patrons à nous exploiter à leur guise. Qu’en serait-il de la compétitivité, c’est-à-dire de notre oppression, si les capitalistes n’étaient pas aidés par un Etat bourgeois ? Le chantage est bien là : si on ne se soumet pas, les capitalistes iront mettre leur capitaux ailleurs, c’est-à-dire là où ils pourront exploiter les travailleurs encore plus ! Attendez… Bruxelles sans hôtels, vraiment ? En tout cas, un hôtel sans travailleurs, certainement pas !