Pharmaceutique sous perfusion

Alexander De Croo a récemment affirmé l’importance « géopolitique » du secteur pharmaceutique, annonçant que les efforts déjà entrepris par le gouvernement pour soutenir les entreprises de ce secteur allaient continuer. En effet, le secteur pharmaceutique belge est l’un des principaux exportateurs de biopharmaceutique au monde et est en augmentation constante. Mais cette position internationale, que les gouvernements belges entendent bien garder, est le résultat d’investissements publics massifs, dont une grande partie finit dans la poche des actionnaires.

Ces cadeaux tombent de tous les côtés et il est difficile d’en faire la liste. D’abord, ce sont les recherches faites par les universités qui sont mises directement au service des entreprises pharmaceutiques. Le réseau universitaire LiEU annonce ainsi sur son site 1161 transferts de recherches universitaires mis à disposition du privé pour les commercialiser, dont un grand nombre dans les biotechnologies.

Par ailleurs, des soutiens à l’innovation et à la recherche sont offerts autant par l’Union européenne que par le gouvernement fédéral, les régions et les communautés, sous forme d’aides directes ou de baisses d’impôts, à chaque fois à coups de dizaines de millions d’euros. Les entreprises qui déposent des brevets ont aussi des baisses d’impôts automatiques sur 80% des revenus du brevet. Pas étonnant que l’entreprise Solvay dépose plus de 250 brevets par an…

De manière générale, les entreprises pharmaceutiques ne paient pratiquement aucun impôt. Dans le top 50 des entreprises qui paient le moins d’impôt que le PTB publiait chaque année jusqu’en 2017, les entreprises pharmaceutiques liées à la famille Solvay (Solvay, UCB, Janssen) étaient chaque fois dans le top 10, payant entre 0 et 3% d’impôt contre un taux normal de 33%.

Mais la source principale de revenu des entreprises pharmaceutiques, c’est le remboursement des médicaments par l’État, et donc avec les impôts des travailleurs.

Ce remboursement s’applique sur 70% des ventes de médicaments du secteur et permet aux entreprises de fixer des prix complètement déconnectés du prix de production. Car le prix des médicaments est fixé par les entreprises qui déposent un dossier auprès d’une commission, mais sans que la commission n’ait ni les informations, ni les moyens pour faire le moindre contrôle sur la pertinence d’un tel prix.

Les capitalistes en profitent évidemment largement, comme quand le traitement de l’hépatite B avait été vendu à 43.000€ alors qu’une enquête avait révélé que son coût de fabrication était de… 42€ !

D’autres mesures bénéficient aussi directement aux actionnaires du pharma, comme la construction et l’entretien d’infrastructures (comme le Biopark de Charleroi), de centres de formation spécialisés (comme l’EU Biotech Campus et l’Aptaskil), de réseaux, de pôles de compétitivité (comme BioWin en Wallonie et VLAIO en Flandre), l’encadrement des exportations (via l’AWEX par exemple).

Ces subsides en rafale ne sont pas le résultat d’une attention particulière du monde politique pour la santé des Belges, comme le démontrent les budgets largement insuffisants des hôpitaux.

Depuis ses débuts, le capitalisme s’est systématiquement servi de son État pour s’enrichir sur le dos de la population qui paie les impôts. Les cadeaux faits au secteur pharmaceutique ne rapportent pas à la population, mais viennent gonfler les milliards de bénéfices aux familles capitalistes les plus riches de Belgique : les Solvay, Janssen, Boël, etc.