Nous vivons une crise mondiale d’une ampleur sans précédent et le gouvernement belge tombe sur la question de l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde : dans quelle langue ses habitants devront-ils voter demain !
Si cette fois-ci c’est Alexander De Croo du VLD qui a pris la tête de la surenchère communautaire, les politiciens francophones ne sont pas en reste. Si le pays n’est pas devenu bilingue dans toutes les régions, c’est bien parce que les dirigeants politiques francophones s’y sont toujours opposés.
Que le gouvernement soit paralysé par cette question inquiète le patronat. La FEB a ainsi lancé un appel: « Il est temps que le monde politique prenne également en compte les préoccupations économiques et sociales des entrepreneurs et des citoyens qui craignent une atteinte grave à leur bien-être ».
Ce n’est bien sûr pas les « atteintes au bien-être » des citoyens et en particulier des travailleurs, dont se soucient les patrons de la FEB : Ils en sont les principaux responsables !
Ce qui préoccupe la FEB c’est qu’un gouvernement puisse distribuer les milliards dont les entreprises et les banques auront de nouveau besoin en cas de faillite, un gouvernement qui ait les mains libres pour mener une politique d’austérité afin de récupérer ces milliards sur le dos de la population… comme en Grèce.
Cela n’a pas empêché les dirigeants de la FGTB et de la CSC de s’associer à l’appel de la FEB et des autres organisations patronales, comme si les travailleurs avaient quoi que ce soit à attendre du patronat, ou des gouvernements… Ce faisant, les dirigeants syndicaux ne font que montrer encore une fois de plus que ce n’est pas d’eux qu’il faudra attendre une riposte contre le patronat.
Or, c’est ce qu’il faudrait. Car les « dossiers importants » dont la FEB voudrait que le gouvernement s’occupe en priorité, ce sont de nouvelles baisses d’impôts des sociétés et des réductions de cotisations patronales pour la sécurité sociale.
Tous les partis des deux groupes linguistiques sont prêts à mener cette politique qui ne vise qu’à augmenter les profits, en en faisant payer les frais aux travailleurs. Elle n’est que la continuation de celle qu’ils font depuis des années.
Quant au patron de PME Alexander De Croo, il n’est pas un franc-tireur. Il a le soutien d’une grande partie des patrons flamands que la crise rend plus avide encore et qui font pression pour que la réduction des pensions légales et des allocations des chômeurs viennent gonfler leurs profits. Et ils espèrent y arriver plus vite encore avec le gouvernement flamand qu’avec le gouvernement fédéral. Pour ces patrons, il s’agit moins de scinder BHV que de scinder les impôts et la sécurité sociale pour en tirer profit.
Ce qui gêne surtout les politiciens francophones, c’est que la pauvreté en Wallonie leur laisse moins de marge qu’en Flandre pour réduire les cotisations patronales et donc tailler de nouveau dans les pensions, les remboursements de sécurité sociale et les services sociaux.
Ainsi, Laurette Onkelinx, répond dans une interview dans Le Soir: « Quand on aura trouvé une solution pour BHV, il faudra redéfinir un contrat national, les compétences de chacun ». Une nouvelle réforme qui donnerait plus de pouvoirs aux régions « ne me dérange absolument pas. »
Une scission de la sécurité sociale et des impôts n’est certainement pas dans l’intérêt des travailleurs qui en paieraient les conséquences dans les deux parties du pays. Quelle que soit l’issue des querelles communautaires, il s’agit de se défendre… dans toutes les langues. En Flandre, comme en Wallonie, il s’agit de refuser de faire les frais de la crise capitaliste. Il s’agit de refuser les licenciements, de ne pas laisser le patronat aggraver l’exploitation. Il s’agit d’empêcher la scission de la Sécurité sociale et toute attaque contre les droits des pensionnés, des chômeurs, des malades.
Nous, les travailleurs, il faut que nous fassions entendre notre voix, qu’on mette en avant tous nos intérêts en commun. Qu’on soit flamand, wallon, ou d’origine italienne, espagnole, portugaise, grecque ou marocaine, nous ne pouvons accepter que nos salaires soient sacrifiés pour les profits d’une poignée d’actionnaires qui licencient au nord comme au sud du pays. Nous avons intérêt à ce que les richesses que nous produisons ne se transforment pas uniquement en dividendes, mais en hôpitaux, en écoles, en pensions permettant de vivre correctement, en services utiles à la population.
Cette voix est puissante, c’est la voix de ceux qui font tout fonctionner dans cette société. Par leurs luttes les travailleurs sont capables non seulement de faire reculer le patronat, mais aussi de faire disparaître les frontières que le patronat a dressées entre les peuples.