La colère des agriculteurs se répand dans plusieurs pays d’Europe. Les agriculteurs de Belgique sont largement mobilisés : blocages d’autoroutes, manifestations, blocages des entrepôts de la grande distribution…
Quand on sait que nombre de petits agriculteurs malgré un travail acharné ne peuvent vivre sans un deuxième travail, on ne peut que partager leur colère !
En Flandre, le revenu familial annuel moyen par exploitation agricole n’a guère évolué ces vingt dernières années. En Wallonie, 57% des exploitations ont fermé entre 1990 et 2022.
Partout dans le pays, de nombreux témoignages dénoncent une même réalité : malgré l’amour pour leur travail, nombreux sont les agriculteurs à renoncer tant il devient impossible d’en vivre. Du moins pour les petits.
Car dans l’agriculture comme dans d’autres branches de l’économie, il y a des gros et des petits.
Environ 30% des exploitations font moins de 10 hectares ! Quant aux gros exploitants agricoles, ils sont de véritables industriels capitalistes. Ils participent à la fixation des prix sur le marché et se conduisent comme des financiers. Ils peuvent faire face aux crises, et même en profiter pour écraser les plus petits…
Ainsi le nombre d’exploitations en Belgique ne cesse de baisser et les plus grosses rachètent les terres des plus petits. Quand ce ne sont pas les Colruyt et autres structures financières qui rachètent les terres !
Les petits agriculteurs sont des travailleurs de la terre asphyxiés par les intermédiaires. La majorité d’entre eux, malgré leur statut d’indépendant, sont en réalité des ouvriers agricoles pris en tenaille entre les trusts de l’agro-industrie et du commerce.
Entre ceux qui fournissent matériels, semences, engrais… Entre les centrales d’achats de la grande distribution… Et bien sûr les banques envers lesquelles ils sont souvent endettés jusqu’au cou. Leurs patrons sont Bayer, John Deere, Limagrain, Carrefour, Colruyt, Delhaize… qui sont aussi les patrons de milliers de caristes, vendeurs, bouchers, etc.
Travailler du matin au soir sans arriver à payer les factures et dépendre des plus gros, cela fait aux agriculteurs un point commun avec tous les travailleurs. Vivre sans savoir ce que seront son salaire et ses conditions de travail dans un ou deux ans, c’est aussi le lot de presque tous les salariés, ouvriers, employés et techniciens.
Voir son pouvoir d’achat dégringoler, risquer de se retrouver sans travail ni logement est le sort de millions de travailleuses et de travailleurs. À cela, s’ajoutent pour les agriculteurs les aléas climatiques, les maladies animales et mille et une autres contraintes.
L’agriculture, comme l’ensemble des travailleurs, est à la base de la société. Les agriculteurs nourrissent la population, disent-ils fièrement et avec raison. Mais sans les travailleurs qui produisent les tracteurs et construisent les bâtiments, sans ceux qui transportent, transforment et conditionnent les produits agricoles… ils ne nourriraient personne d’autre qu’eux-mêmes. Et sans les ouvriers, les hospitaliers, les enseignants ou les agents du nettoyage, la société s’arrêterait brutalement.
Ouvriers et agriculteurs sont à la base de toutes les richesses. Mais ce sont les capitalistes, les parasites et les financiers qui profitent de ce travail. Nous n’avons pas à l’accepter !
Alors oui, la classe ouvrière et les petits agriculteurs, artisans et commerçants peuvent se retrouver dans le combat contre le grand capital et les banques !
C’est d’ailleurs la seule perspective de lutte pour améliorer le sort des petits agriculteurs. La combativité des agriculteurs leur permettra sans doute d’obtenir des concessions de la part des institutions européennes et des gouvernements.
La Commission européenne a présenté deux concessions portant sur les jachères et les importations ukrainiennes. Plusieurs gouvernements se sont engagés à s’opposer à l’accord entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay). Cela favorisera peut-être les gros agriculteurs exportateurs belges dans la concurrence mondiale, mais ne résoudra en rien
les difficultés des petits.
Quel sera l’avenir des petits agriculteurs sans s’attaquer à la propriété des banques ou des géants de la distribution ?
Une partie des petits agriculteurs aspirent plutôt à tenter d’augmenter leur production en acquérant ou louant plus de terres. Même si cela les plonge dans un endettement à vie et fait planer la menace de la faillite.
Comme tous les exploités, les petits agriculteurs n’auront pas de répit tant que le capitalisme n’aura pas été renversé. Mais ce combat-là repose d’abord et avant tout sur la classe ouvrière.
La solidarité, la compassion ou l’admiration vis-à-vis de la lutte des agriculteurs ne suffisent pas : leur mobilisation doit être une source de combativité pour tous les travailleurs que nous sommes.
Pour être écoutés et respectés, il n’y a pas le choix, il faut nous battre pour nos intérêts de classe et la perspective d’une tout autre société, collective et planifiée.