La Strada

Un juge au coeur sensible… pour les capitalistes

La Cour d’appel de Mons a condamné la Ville de La Louvière à dédommager le groupe Wilhelm & Co dans l’affaire de la Strada. Un expert judiciaire doit estimer le montant du « préjudice » qui pourrait s’élever à 86 millions d’euros. Soit… la moitié du déficit de la commune, ou 10 ans de salaire de 200 travailleurs communaux (des puéricultrices par exemple), ou encore 580 maisons de 110 m2. Pas de quoi faire douter les juges de la cour d’appel apparemment. 

Comment la ville s’est jetée dans la gueule du loup ?

Comment en est-on arrivé là ? En 2008, la majorité PS-MR à La Louvière signe un contrat de Partenariat Public Privé avec le groupe Wilhelm & Co pour construire un ensemble de résidences et d’espaces commerciaux à la place de l’ancienne usine Boch. L’argent public coule à flot : la Ville,  la Région Wallonne, les fonds européens financent la destruction du site, l’assainissement des terrains pollués par le plomb et l’arsenic des faïenceries, la remise à neuf du réseau routier… En 2012, tout est fin prêt pour que messieurs les promoteurs immobiliers commencent leur partie des travaux. 

Là, patatras, changement de programme ! Les patrons de Wilhelm & Co ont refait leurs calculs. Ils estiment que la concurrence des centres commerciaux des Grands Prés à Mons, de Rive Gauche à Charleroi, risque de leur faire de l’ombre. Ils exigent de modifier le projet et de remplacer les logements prévus par des centres de divertissements, un complexe de cinéma, afin d’attirer les consommateurs. Refus du Collège communal, sous pression des petits commerçants du centre-ville déjà moribond. C’est le début des ennuis. 

Les architectes et les ouvriers arrêtent de travailler et laissent place aux avocats des deux parties. Chacun accuse l’autre d’avoir rompu le contrat. Une longue procédure juridique aboutit à un premier jugement du tribunal de première instance qui renvoie la Ville et le promoteur dos à dos. Mais en appel, les avocats du promoteur obtiennent gain de cause. Ils réclament 86 millions de dommages et intérêts. Ce montant correspond tout simplement aux bénéfices escomptés par le groupe immobilier. La Ville, et les habitants, sont donc condamnés par un juge à payer les profits que les actionnaires de Wilhelm & Co attendaient de leur investissement… alors même que sur les 200 millions que les promoteurs immobiliers devaient consacrer à la réalisation du projet, seuls 12 millions ont été dépensés (dont beaucoup en frais d’avocats) ! 

Aujourd’hui, à la place des logements et des espaces commerciaux prévus, il n’y a que des roseaux qui poussent autour de mares. Un bel exemple de Partenariat Public Privé qui consiste à faire dépendre les besoins de la population du profit capitaliste.