Pendant que le Parlement grec, protégé par des milliers de policiers, votait le nouveau plan d’austérité drastique exigé par les banques et les institutions financières internationales, les rues d’Athènes se transformaient en champ de bataille.
Alors qu’en deux ans le niveau de vie moyen de la population a déjà dégringolé de moitié, les nouvelles mesures s’ajoutent aux précédentes. Baisse générale des salaires dans le privé comme dans le public ; baisse de 22 % du salaire minimum, réduit à 580 euros brut, moins encore pour les plus jeunes. Pensions et retraites encore rabotées. Plusieurs milliers de travailleurs de l’État licenciés. Obstacles juridiques aux licenciements quasi supprimés.
Moins de 300 députés, tristes pantins aux ordres de la finance, ont été conviés à donner leur caution au plan d’austérité, au milieu d’une population en révolte : voilà un résumé de la démocratie grecque ! Ne nous faisons pas d’illusions : notre démocratie bien établie ici, en Belgique, n’est guère différente. Les gouvernements se comportent en conseils d’administration de la bourgeoisie, et les parlements élus ne sont là que pour donner une caution aux décisions prises par le grand capital.
Il y a quelques mois encore, on nous expliquait que ce qui se passait en Grèce était la faute des Grecs, y compris des salariés, des retraités, des petites gens qui « vivaient au-dessus de leurs moyens », au point que leur État s’en serait trouvé endetté jusqu’au cou !
Aujourd’hui, après le Portugal, l’Espagne ou l’Italie, il est devenu évident que la Grèce n’est pas un cas particulier. Même certains ténors de la caste politique française ont été obligés de reconnaître que ce petit pays, le premier en Europe à être emporté par la crise financière, montrait ce que sera l’avenir de la France, et bien sûr aussi celui de la Belgique.
Le chantage imposé au Parlement grec par les grandes banques est : ou vous imposez à votre population ces mesures d’austérité, ou les institutions financières ne vous prêteront plus les sommes nécessaires pour payer vos échéances, et l’État grec fera faillite.
Tous les États sont soumis au même chantage. Tous sont endettés jusqu’au cou. Tous rackettent leur population pour payer aux banques des sommes de plus en plus élevées. Les intérêts à verser aux banques deviennent partout le principal poste budgétaire. Le « remboursement de la dette » est devenu le credo de toute la classe capitaliste, la justification d’un transfert gigantesque des poches des plus pauvres vers les coffres-forts des banques. Pourtant, l’exemple de la Grèce montre que, plus on impose d’austérité, plus on abaisse la capacité d’achat de la majorité de la population, plus la crise économique s’aggrave et moins les États sont capables de rembourser leur dette.
C’est par ce tourbillon infernal que les classes pauvres sont tirées vers le fond. En Grèce ou ailleurs, l’écrasante majorité de la population n’est pour rien dans la dette. Celle-ci devrait être payée par ceux pour le compte de qui les États ont emprunté : par les banques elles-mêmes et par les groupes capitalistes. Mais c’est aux salariés, aux retraités, aux chômeurs que la classe capitaliste fait payer sa dette, avec la participation de tous les gouvernements, de gauche comme de droite, qui présentent le remboursement de cette dette comme une obligation morale.
La vie économique, c’est la guerre où les plus puissants imposent leur loi aux plus faibles, et par-dessus tout les exploiteurs capitalistes imposent leur loi aux exploités.
En descendant dans la rue pour rejeter le plan d’austérité, les classes exploitées grecques ont donné la réponse que la majorité de leurs prétendus représentants est trop lâche pour donner. Mais ce qui se passe à Athènes montre aussi qu’il ne suffit pas de refuser la politique de la bourgeoisie. Il faut lui en opposer une autre et se donner les moyens de l’imposer.
Les travailleurs grecs sont en train de réaliser que, sur la base de la politique de la bourgeoisie, ils sont condamnés à la misère et à la déchéance. Dans leur révolte, ils ont droit à la solidarité de tous les travailleurs. On peut souhaiter qu’ils se rendent compte, au cours de la lutte, qu’ils doivent se mêler de la gestion de l’économie en imposant leurs propres exigences.
La lutte est le meilleur chemin pour comprendre la question que la crise pose aux travailleurs : qui prend les décisions économiques, eux ou nous ? Une poignée de financiers, dans le seul intérêt du grand capital, ou bien les travailleurs, dans l’intérêt de la grande majorité de la société ?
Les questions qui se posent aujourd’hui aux travailleurs grecs nous sont déjà posées, à nous, aux travailleurs de tous les pays. Sachons trouver et imposer la réponse.