La campagne du PTB

Si le PTB pouvait défendre une politique combative vis-à-vis des travailleurs et dénoncer le grand patronat belge avant 2008, ses discours publics ne se distinguent plus guère de ceux du PS et des directions syndicales.

Avec les élections fédérales, et encore plus lors des communales, le PTB a fait campagne pour gagner le maximum de voix, pour devenir incontournable électoralement. Certes, il critiquait la politique du MR et du PS, en prétendant qu’il pourrait faire mieux qu’eux, tout en annonçant être prêt à rentrer dans des majorités, notamment communales, avec le PS.

En même temps Raoul Hedebouw, affirmait en novembre 2023, dans une interview au média français Le Vent Se Lève, qu’il n’y a aucun pouvoir dans les parlements ou dans les ministères, mais que le vrai pouvoir se trouve « dans les milieux économiques ». Il y affirme aussi que « la démocratie s’arrête assez vite lorsque le rapport de force parlementaire met en danger l’hégémonie de classe dominante » et donc que le « rapport de force parlementaire » doit s’accompagner d’une implantation solide dans la population et dans les syndicats.

Pourquoi une telle contradiction ? Pourquoi omettre la nécessité d’un rapport de forces en faveur des travailleurs pour imposer ce que même de nombreux élus PTB ne seraient pas en mesure de faire appliquer au Parlement ? Pour gagner les voix des travailleurs qui comptent sur le PS, mais le trouvent trop timoré ? Toutes les illusions que le PTB continue à entretenir ne préparent pas politiquement et moralement la classe ouvrière à se défendre face à l’offensive patronale, et encore moins à renverser le pouvoir capitaliste qui est en train d’entraîner le monde entier vers de nouvelles guerres de grande ampleur.

Un « plan industriel » ?

Dans son article « Ce n’est pas avec des recettes du 20e siècle qu’on va construire l’industrie du 21e siècle » le PTB s’oppose aux projets de Pieter Timmermans, le directeur général du syndicat patronal, de baisser les salaires, de limiter les allocations de chômage et de diminuer la dette en faisant payer la population. Mais les auteurs y opposent les propositions d’un autre dirigeant de la classe capitaliste européenne: l’ex-président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, pour affirmer que « La clé pour revitaliser l’industrie en Europe repose sur des investissements massifs, tant publics que privés. » Dans cet article, ils prennent comme exemple le programme massif de subventions au patronat investissant aux États-Unis et préviennent contre la concurrence chinoise dans le secteur de l’automobile. L’article se termine par un appel à un plan énergie et à des investissements ambitieux dans la Recherche et Développement.

C’est la même politique que le PTB a défendue face à la fermeture d’Audi Forest. De concert avec les directions syndicales, le PTB a milité pour un « plan industriel » pour développer les infrastructures pour les voitures électriques, ce qui était aussi la principale revendication de la manifestation organisée le 16 septembre par les directions syndicales.

Défendre un plan industriel européen contre la concurrence chinoise ou américaine ? S’aligner derrière les capitalistes belges ou d’Europe, contre les capitalistes des autres États ? C’est s’aligner derrière nos propres exploiteurs !

La concurrence entre États, y compris à l’échelle européenne, est toujours un des prétextes mis en avant par le patronat pour augmenter ses profits en exigeant des sacrifices des travailleurs. Ces plans industriels en forme de subventions encore plus massives reviennent en fin de compte à ce que les travailleurs paient les plans industriels de leur poche, à travers les impôts ! Et pour la bourgeoisie c’est deux faces de la même médaille, car faire payer à l’Etat et donc à la population des “plans industriels” n’exclut aucunement l’aggravation de l’exploitation dans les entreprises. Ce sont deux faces de la même médaille.

D’ailleurs, le patronat ne s’y est pas trompé. Pieter Timmermans, le directeur général du syndicat patronal, déclarait à propos de la manifestation du 16 septembre 2024 : « Même si je trouve la méthode (une manifestation occasionnant tout à la fois une perte de production et un préjudice d’image) totalement inappropriée, j’adhère néanmoins à l’appel lancé. »

Une armée européenne ? Plus de police ?

Interrogé à l’occasion des élections communales sur le trafic de drogue et l’insécurité, Raoul Hedebouw défend le refinancement de la police fédérale et de la police des douanes ainsi que la réouverture de commissariats fermés. Affirmant que l’armée belge sert l’OTAN, ce qui est vrai, il en conclut qu’il faut… une armée européenne pour « défendre le territoire européen ».

Comme si les armées bourgeoises avaient jamais été autre chose que des instruments d’oppression au service de la bourgeoisie contre les travailleurs, et, dans le cas de l’Europe, des armées coloniales pour piller le reste du monde ! En appelant à renforcer l’armée et la police, le PTB se fait complice de la bourgeoisie pour légitimer ses forces de répression.

Le PTB désarme les travailleurs

Le PTB se dit encore marxiste, continue d’affirmer, en dehors de ses apparitions médiatiques en Belgique, que le pouvoir ne se trouve pas dans les parlements ou les gouvernements, et qu’il faudra que la classe ouvrière construise un rapport de force extra-parlementaire.

Mais sa politique concrète est à l’opposé de celle qu’ont défendu Marx et Engels, qui affirmaient que les travailleurs étaient capables et devaient prendre le pouvoir consciemment.

Le PTB a préféré depuis des années s’appuyer sur les illusions électorales des travailleurs, en considérant que ceux-ci n’étaient pas prêts à entendre la vérité, pour s’aligner sur les discours des partis de la bourgeoisie. A tel point qu’on ne voit pratiquement plus de différence dans les discours du PTB et celui d’un parti comme le PS, qui a déjà montré mille fois sa soumission à la bourgeoisie.

Et se développer sur la base de ces illusions ne peut qu’amener au PTB des électeurs et des militants qui pèseront de plus en plus dans le sens de son alignement sur les partis de gouvernement, comme a été l’évolution de Podemos en Espagne et de Syriza en Grèce.