Grèves de 60-61: la classe ouvrière affrontait la bourgeoisie et la bureaucratie syndicale

Il y a 60 ans, à l’approche des fêtes de décembre 1960, près d’un million de travailleurs se lançaient dans une des plus puissantes grèves de l’histoire de Belgique. Annoncée en septembre 1960, la “Loi unique” lançait un vaste programme d’austérité, essentiellement dirigé contre les travailleurs : augmentation des impôts indirects, réduction des allocations de chômage, blocage des salaires des agents communaux, et passage de l’âge de la pension de 60 à 65 ans dans la fonction publique.

A l’époque, la bourgeoisie belge abandonnait la sidérurgie et les charbonnages wallons moins rentables, au profit de nouvelles industries en Flandre. De plus, l’indépendance du Congo en 1960, à une époque où toute une partie de l’Afrique se soulevait contre la colonisation, privait l’État belge et des entreprises d’une partie de leurs profits.

La réaction massive de la classe ouvrière allait être privée d’une direction à la hauteur de sa détermination. Le parti socialiste tout comme la FGTB et la CSC allaient freiner et diviser le mouvement. Dès le début et jusqu’au bout, les travailleurs devront lutter contre l’attentisme des directions syndicales.

Le PSB (ancêtre du PS) lancera avec la FGTB une campagne d’information sur les attaques de la Loi unique. Cette initiative voulait se limiter à de l’information, mais les travailleurs vont faire pression sur la FGTB liégeoise pour lancer des arrêts de travail et une manifestation le 21 novembre qui sera un succès !

Début décembre, plusieurs débrayages débutent dans le pays et les assemblées ouvrières votent pour des actions de grèves immédiates. Une journée d’action aura lieu le 14 décembre et après ça, le climat d’agitation va aller crescendo. La mobilisation sera celle de tous les travailleurs de l’industrie flamande et wallonne.

Des voix réclamant une grève générale se faisaient entendre dans ces manifestations et dans différentes sections syndicales. André Renard, le leader syndicaliste liégeois à la réputation la plus radicale dans la FGTB, ne propose aux nombreux manifestants du 14 décembre qu’une grève générale de 24 heures tardive, après le vote de la loi.

Malgré les freins des directions syndicales, des grèves démarrent dans tous les secteurs, chez les agents communaux, dans la métallurgie, ou chez les dockers du port d’Anvers qui en viennent aux mains avec leurs délégués pour forcer la grève. À Charleroi, des cortèges se forment faisant débrayer les autres usines. Même la police va débrayer. Le journal “La Cité” écrit qu’à Cockerill, un délégué a failli être jeté dans la coulée d’acier en fusion pour s’être opposé à la grève.

Jusqu’au bout, la direction nationale de la FGTB refusera d’appeler à la grève générale. Renard change de stratégie et plutôt que freiner, il prend la tête du mouvement. Il accumule les fausses promesses et pousse pour le contrôle du mouvement par le syndicat et uniquement par lui. L’organisation à la base de comités élus démocratiquement par les travailleurs en lutte représentait une menace pour les directions syndicales.

Le gouvernement voyant la grève s’accentuer endosse son de rôle de répression. Il rappelle les parachutistes stationnés en Allemagne et fait occuper militairement des gares et des entreprises. Tandis que l’État de la bourgeoisie se prépare à l’affrontement, aucune organisation ne propose de perspectives pour les travailleurs. La répression fera 4 morts.

Vers le 28 décembre, circule parmi les grévistes l’appel à une marche sur Bruxelles qui exprimait l’union entre travailleurs flamands et francophones. Alors qu’aucun dirigeant socialiste ou syndical ne peut plus prendre la parole sans se faire interrompre aux cris de « à Bruxelles », ils veulent à tout prix éviter cette action qui pourrait leur faire perdre le contrôle du mouvement. Renard va attiser le fédéralisme en levant le drapeau wallon, sans et même contre les travailleurs flamands, alors que tous les yeux des travailleurs sont tournés vers les répressions armée de leurs frères de lutte à Gand.

Lorsque le 13 janvier, la loi est votée, les dirigeants syndicaux appellent à la reprise du travail. Les noyaux durs en Flandre et en Wallonie tinrent jusqu’à la mi-janvier, mais la division avait abouti à l’essoufflement du mouvement.

60 ans après, cette grève ne doit pas être oubliée, pour pouvoir faire face aux manœuvres et divisions que tenteront les pseudo-socialistes et les bureaucrates syndicaux face aux futures luttes qui éclateront. Pour gagner, les travailleurs doivent diriger eux-mêmes leurs luttes.