États-Unis : la grève dans l’automobile

Depuis le 15 septembre, la centrale syndicale des ouvriers de l’automobile, l’United Auto Workers (UAW), a entamé un bras de fer avec les trois grands constructeurs historiques des États-Unis : General Motors, Ford, et Stellantis.

Pour la première fois, l’UAW a démarré une grève touchant simultanément ces « trois grands ». Depuis que Shawn Fain a été élu président de l’UAW au printemps, la direction syndicale a adopté un langage combatif, préparant ses 150 000 adhérents de l’automobile à se mobiliser pour appuyer les négociations des contrats de travail collectifs de quatre ans, ceux-ci arrivant à expiration le 14 septembre.

Mettant en avant les 250 milliards de dollars de bénéfices réalisés par les « trois grands » sur le marché nord-américain ces dix dernières années et les sacrifices consentis par les ouvriers, notamment suite à la crise de 2008, le syndicat a exprimé des revendications très largement partagées par ses adhérents. Il réclame une hausse de 46 % des salaires sur les quatre années à venir pour faire face à l’inflation prévisible, rattraper les 20 % de l’inflation passée, ainsi que pour compenser les pertes subies par les ouvriers licenciés puis réembauchés à des taux horaires souvent inférieurs d’un tiers. Le syndicat réclame aussi le retour de l’allocation compensatrice de l’inflation (COLA), à laquelle il avait renoncé en 2007 sous la pression du patronat. Enfin, au nom de l’unité des travailleurs, l’UAW exige la fin du statut dérogatoire ( « tiers », accepté lors des contrats précédents) que connaissent les nouveaux embauchés et les intérimaires, payés bien moins que leurs collègues et ne bénéficiant pas de la même retraite ni de la même couverture médicale.

Ces derniers mois, l’UAW a popularisé ces revendications, en rappelant les grèves avec occupation d’usines des années 1930 qui avaient imposé les syndicats aux plus grandes entreprises. Ses dirigeants parlent à nouveau de classe ouvrière, en appelant au « combat d’une génération ». Nul doute que la grande majorité des membres de l’UAW se retrouvent dans les revendications de leur syndicat et savent qu’une grève importante est nécessaire pour faire plier les constructeurs. En face, le patronat et ses relais politiques ont dénoncé ces revendications comme excessives et prétendu qu’une grève mettrait l’économie en péril. Pourtant il n’est même pas question de recréer les emplois qui ont été détruits par dizaines de milliers, ce qui permet aux patrons de faire plus de profit sur chaque véhicule et explique les bénéfices gigantesques accumulés. Il n’est pas question non plus d’alléger les horaires de travail harassants et les cadences qui détruisent la santé des ouvriers.

Pour l’instant, les « trois grands » n’ont proposé que des miettes aux négociateurs de l’UAW, tandis que ceux-ci voudraient augmenter progressivement la pression gréviste avant d’obtenir des contrats qu’ils pourraient soumettre au vote des syndiqués. La grève n’est légale qu’au moment du renouvellement de ces contrats et seule une petite partie des syndiqués a été appelée pour l’instant à l’action, tandis que la caisse de grève du syndicat indemnise partiellement les grévistes. L’UAW n’organise la grève que dans une seule usine de chacun des « trois grands », avec des piquets de grève tournants qui ne mobilisent chacun des 13 000 grévistes qu’une seule fois par semaine. Dans sa tactique pour renforcer sa position face à des constructeurs riches à milliards, et appuyés sur leurs actionnaires financiers de Wall Street, Shawn Fain a averti les adhérents de l’UAW qu’ils doivent se tenir prêts à répondre lorsque que le syndicat appellera de nouvelles usines à rejoindre la grève.

La direction de l’UAW contrôle donc de bout en bout ce mouvement, dont elle a l’initiative. Les travailleurs membres du syndicat ont été consultés sur l’opportunité d’une grève et l’ont approuvée, même si sa conduite leur échappe totalement. Elle est certainement vue avec sympathie bien au-delà des rangs de l’UAW. Les ouvriers de l’automobile peuvent trouver des alliés dans tout le monde du travail, syndiqué ou non.

Repris de LO France