>> AW-Europe – Ghlin: « Je n’avais encore jamais fait grève, mais cette déclaration sur les 3,2% d’augmentation des salaires, cela m’a convaincu qu’il fallait leur répondre ». Ce gréviste en CDD, n’est pas le seul à avoir été choqué par l’arrogance de Pieter Timmermans. La direction de AWE a fait visionner aux employés une vidéo dans laquelle ce porte-parole de la FEB explique comme à des petits enfants que 2,8% d’indexation plus une marge d’augmentation salariale de 0,4 % égalent 3,2% d’augmentation des salaires pour les deux prochaines années. Ce à quoi un directeur de AWE a estimé nécessaire d’ajouter un petit air de menace bien connu : « cette grève est un mauvais message pour la direction japonaise qui n’aime pas les grèves belges ». Le parking de l’entreprise, qui reste vide ce matin du 29 mars, est une réponse que tout le monde comprend. Les grévistes se répètent les chiffres des dividendes élevés que se sont versés les grosses entreprises en 2020, et AWE n’est pas en reste avec un bénéfice de 20 millions pour son site de Ghlin. Mais la préoccupation des travailleurs, c’est aussi la précarité. Un intérimaire explique ce que signifie ce contrat qu’on attend et qui n’arrive qu’à 18h pour commencer le lendemain à 6h… Que la précarité est utilisée par les patrons comme un levier de pression non seulement contre le travailleur individuellement, mais aussi contre les grèves et les revendications collectives, c’est une évidence. Voilà pourquoi on ne peut séparer la lutte pour de meilleurs salaires de la lutte contre la précarité et le chômage. Se mobiliser ensemble pour imposer le partage du travail entre tous pour que chacun aie un salaire correct et stable, c’est la seule façon d’enlever cet atout au patronat. Une journée de grève ne peut suffire pour lancer ce type de mobilisation qui doit d’abord commencer dans les têtes. Mais les grévistes ont eu bien raison de profiter de l’occasion pour affirmer leur dignité.
>> Chez WSC, sous-traitant d’Audi: En plus des délégués, plusieurs militants et affiliés avaient fait le déplacement. Pas grand monde n’avait d’illusion dans les négociations, ni vraiment confiance dans les directions syndicales, mais c’était l’occasion de se retrouver et de discuter. Les discussions sur le piquet étaient aussi riches que les expériences présentes dans une entreprise où les travailleurs sont reliés par leurs origines aux quatre coins du monde. On parlait, entre autres, de la situation au Venezuela et des illusions déçues en Chavez qui est vite devenu un dictateur, et du Hirak en Algérie qui est bien la preuve que les gens sont capables de s’organiser eux-mêmes. Tout le monde s’attend à des attaques patronales importantes dans la crise actuelle, et beaucoup constataient que c’est bien tout le système qu’il faudrait changer. Quant aux salaires, plusieurs travailleurs dénonçaient l’évolution catastrophique depuis que VW est devenu Audi, en 2007. Plusieurs entreprises sous-traitantes avaient alors fermé, et une partie des travailleurs licenciés s’étaient fait réembaucher chez Autovision, aujourd’hui WSC. D’un salaire de 14-15 € l’heure, ils étaient alors passés à 9,50 € ! 17 ans plus tard, ils ont à peine atteint le niveau perdu de l’époque, mais tout est devenu beaucoup plus cher !
>> L’hôpital présent: Dans les hôpitaux publics, les directions des syndicats n’ont pas appelé à la grève, sous le prétexte fallacieux que ces salariés n’étaient pas directement concernés par les négociations de l’accord interprofessionnel qui ne s’applique qu’au privé. Mais l’équipe CGSP de l’hôpital Saint Pierre n’était pas d’accord avec cette façon de voir : « nous sommes tous concernés par la situation. Il y a le virus, et il y a la crise économique. Et tu penses qu’on a reçu une augmentation ?! Zero ! Tout est comme lors de la première vague. » Et tout le monde dans ce groupe de femmes de ménage et d’aides-soignantes était bien d’accord que les travailleuses et travailleurs du terrain géreraient bien mieux la pandémie que le gouvernement qui n’écoute pas les travailleurs, mais seulement les riches.
>> Témoignage de la grande distribution: Deux délégués d’un magasin de la grande distribution, étaient venus à un piquet devant un atelier de la SNCB. Ils voulaient rencontrer d’autres militants pour faire connaissance, pour pouvoir agir ensemble. Ils témoignaient des problèmes avec les chefs qui sont là dès qu’ils veulent s’adresser à leurs collègues. Et si ce n’est pas eux, ce sont leurs espions. Les chefs ont fait beaucoup pression pour que les travailleurs viennent malgré l’appel à la grève. Les militants comprenaient leurs collègues qui étaient venus travailler : « ils ont peur. C’est la dictature dans l’entreprise, mais qu’est-ce que tu veux faire ? Vivre dans la peur toute ta vie ? Il faut bien quelqu’un qui commence à dire ‘non’ ».
« Limite de 4 »… ou pas. Dans leurs courriers pour appeler les travailleurs à faire grève le 29 mars, les dirigeants de la FGTB et de la CSC ont recopié les instructions du Codeco : « pas plus de 4 personnes par piquet de grève, portez le masque, respectez-les gestes barrières » et terminaient ces appels en lançant aux travailleurs : « surtout, restez chez vous ! ». Mais dès le 30 mars, les travailleurs n’ont de nouveau pas le choix de rester chez eux, ils reviennent dans les transports où la distanciation n’est pas possible pour rejoindre des entreprises qui sont les premiers clusters du pays. Cela fait longtemps que « les protocoles » négociés en avril 2020 pour déconfiner les travailleurs ont été contournés par les patrons pour imposer leurs objectifs de production. Heureusement, sur bien des piquets de grève du 29 mars, les délégués et les grévistes n’ont pas tenu compte de ces règles à géométrie variable : ils ont fait preuve de bon sens en portant le masque et en respectant les règles de fraternité nécessaires pour se retrouver nombreux à manifester leur solidarité.