Je suis technicienne de surface. Depuis une semaine, je travaille dans une unité Réa Covid-19. Ma cheffe d’équipe m’a envoyé « au front » avec des instructions très simples : « démerde-toi ». Je ne peux lui en vouloir, car elle aussi subit une pression terrible.
En fait, je
connais ma procédure de nettoyage, mais j’ai du obtenir plus
d’informations niveau sécurité de la part des infirmières concernant ce
virus covid 19.
Les services ont été divisés en une zone « sale » et une zone « propre ».
La zone propre, où je travaille, c’est la zone où on n’a pas le droit
de se tromper. Le virus ne se propage pas tout seul. Ce sont les
humains, avec leurs gestes, qui le transmettent.
Pour faire barrage,
il nous faut respecter un protocole strict. Dès que j’entre dans le sas
d’accès à la zone propre, je dois enfiler des sur-chaussures, plusieurs
couches de tabliers, plusieurs type de gants, un masque, un bonnet…
Dans le bon ordre ! Bien sur, lors du déshabillage, il s’agira là aussi
de pas commettre d’erreur, pour ne pas propager l’épidémie.
Pour le masque, j’ai un masque « canard » (FFP2) pour 8 heures de travail, même si ce matériel n’est efficace que durant 4 heures. Mais même pour l’obtenir, j’ai du insister. Le problème est que mon compagnon est diabétique. Pour le protéger lui, je dois pouvoir me protéger moi-même. Je n’approche pas des malades, mais bien des infirmières, et le risque n’est pas si différent. D’autant plus qu’un aérosol au niveau du visage de certains patients est utilisé, ce qui propulse ce virus à plus d’un mètre…
Lorsque je suis équipée comme une cosmonaute, je rentre
dans le service. 24 lits, 24 surfaces à nettoyer, sans rien oublier :
les murs, les sols et toutes les surfaces, les poignées, les
interrupteurs, jusqu’aux gsm des services que les infirmières utilisent.
Sous mon masque et mes combinaisons je suis en nage. Il faut aller
vite. Ne rien oublier, jamais. Et il faut tenir le rythme : 3 chambres
par heure.
Le travail, la responsabilité, c’est stressant bien sur, et la fatigue s’accumule bien plus vite. Mais psychologiquement, il faut aussi encaisser beaucoup. Nous voyons des gens mourir seuls et leur profonde détresse, ainsi que celle de leurs proches. C’est une chose de l’entendre aux infos, c’en est une autre de vivre cela au quotidien.
Heureusement, il y a beaucoup de solidarité entre nous. On s’aide, on est attentifs aux autres. Ce sont des liens forts !
Je me souviens avoir regretté, lorsque nous les nettoyeuses, nous avons réclamé de meilleurs conditions de travail, de ne pas avoir eu la solidarité des soignants. Mais aujourd’hui, je ne pense plus comme cela. Les gouvernements sont responsables de ce désastre et de ces morts. Quand nous aurons mis l’épidémie derrière nous, il faudra virer ces gens là, et toutes les catégories de travailleurs devront se retrouver ensemble dans la rue.