Une manifestation pleine d’inquiétudes

Le 16 décembre, la manifestation nationale à l’appel des organisations syndicales a réuni 16.500 manifestants selon la police, 25.000 selon les syndicats, un chiffre plutôt bas.

Les délégués et militants syndicaux présents dans la manifestation témoignaient de la difficulté de mobiliser. Ce qui dominait, c’était un sentiment d’angoisse devant la situation qui s’aggrave rapidement avec l’explosion des prix  et les autres attaques qui se multiplient dans les entreprises. Par exemple, les travailleurs de la chaîne Makro, présents à la manifestation, sont confrontés à la fermeture. D’autres sont soumis à des charges de travail intenables, tout en connaissant du chômage économique, des pressions patronales contre les absences pour maladie, des heures supplémentaires pas payées… 

Une situation qui sonne aussi le glas aux possibilités de la « concertation sociale ». Le camp patronal qui veut sauver, voire augmenter ses bénéfices dans la crise en faisant payer les travailleurs, ne laisse plus d’autre marge aux appareils syndicaux que celui de s’aligner complètement sur les exigences patronales ou la lutte frontale contre le capital. Or, cette dernière option – révolutionnaire – n’en est pas une pour les bureaucrates syndicaux qui défendent seulement leur place d’interlocuteurs attitrés et rémunérés du patronat.

C’est cette contradiction qui explique les mobilisations mi-chèvre mi-chou à répétition, où les directions syndicales combinent la « grève générale » avec les revendications les plus timorées. Cela entraîne une crise dans les appareils syndicaux. Et les tensions au sein des délégations et entre les appareils même à l’intérieur du même syndicat, sont palpables, y compris à la manifestation.

Or, les témoignages concrets des délégués contredisaient les revendications mises en avant par les directions syndicales et notamment celle de la « liberté de négociation » qu’on obtiendrait en abolissant la loi de 1996. Ainsi un délégué qui reprenait à son compte cette revendication, mais décrivait la situation dans son entreprise du secteur de la construction comme une « guerre permanente » : Le patron « ne respecte plus aucune loi sociale » et ne rêve que de se débarrasser du délégué qui se sent comme « le dernier rempart » contre l’exploitation débridée. Que peut-il bien négocier avec son patron, même si la loi de 1996 était abolie?

Les salaires sont trop bas et le constat qu’il faut au moins 2000 € net pour vivre était facilement établi. Mais alors, pourquoi on ne le revendique pas ?

Il était possible aussi de discuter que dans cette guerre sociale que nous mènent les patrons, il faut s’armer de revendications et de détermination. Et les manifestants qui attendent une « vraie mobilisation » n’étaient pas rares. 

Il est vrai que cette détermination, personne ne la sent pour l’instant. Et les mobilisations sans perspective des appareils, bien loin d’être à la hauteur des enjeux, ne contribuent en rien à éveiller ni la détermination, ni la confiance des travailleurs dans leur propre force et la conscience de leurs intérêts communs. Mais ce sont les attaques du patronat lui-même qui feront en sorte que l’angoisse actuelle finisse par faire place à la colère.

Ceux qui se posent la question d’une riposte du monde du travail à la hauteur des enjeux sont aujourd’hui très minoritaires. Mais ils peuvent contribuer à la préparer en faisant connaître autour d’eux des objectifs qui correspondent aux besoins des travailleurs eux-mêmes, et qui permettent de s’unir et de devenir toujours plus fort : il faut oser réclamer ce qu’il nous faut: 2000 € net minimum pour tous, une véritable augmentation des salaires et des pensions et le contrôle des travailleurs sur l’indexation des salaires et pensions qui est aujourd’hui insuffisante car truquée. Et la répartition du travail entre tous sans perte de salaire, car à quoi sert l’augmentation des salaires, si on est au chômage ?

Et il faut promouvoir une direction démocratique des luttes, par les travailleurs en lutte eux-mêmes, par le moyen des comités de grèves. C’est indispensable pour pouvoir dépasser la détermination chancelante des dirigeants syndicaux.