Les élections américaines sont d’abord la défaite de Clinton et des Démocrates. Ici, on nous a répété que les États-Unis avaient résorbé le chômage. En réalité, la désindustrialisation et la paupérisation y font des ravages, depuis la crise de 2008 en particulier. Des millions de familles ont perdu leur logement et vivent parfois dans des mobil-homes. Malgré les statistiques, le chômage continue de sévir. Ceux qui trouvent du travail doivent cumuler des emplois précaires, à temps partiel, payés six ou sept euros de l’heure, pour tenter de joindre les deux bouts, souvent sans y parvenir.
En 2008, on nous expliquait qu’avec Obama le sort des Noirs allait changer, mettant fin aux discriminations héritées de l’esclavage et de la ségrégation. Aujourd’hui, ils doivent se mobiliser pour ne plus être tués par des policiers aux préjugés tenaces et à la gâchette facile.
L’Amérique fonctionne très bien pour ses riches, mais pas pour ses classes populaires. Clinton était la candidate du statu quo. C’est une amie des riches et des banquiers depuis toujours, et c’est notamment pour cela qu’elle a été rejetée par une partie de sa propre base.
Trump n’est élu que par un quart de l’électorat, avec 600 000 voix de moins que la perdante, en vertu du système électoral aux États-Unis. Et on nous présente ce pays comme une grande démocratie !
Au-delà de la droite conservatrice voire bigote, Trump a rallié une partie des travailleurs en colère. Ils ont donc voté contre leurs intérêts. Ce capitaliste cupide et sans scrupules a gagné ses milliards sur la sueur de ses milliers de salariés. En votant pour lui, certains ont pensé rejeter le système. Trump était certes extérieur au système politique américain. Mais pas au système capitaliste, bien au contraire ! Autrement dit, il représentait une fausse alternative.
Cette élection n’a rien d’un séisme. Comme tous les démagogues, ce que Trump fera au pouvoir n’aura que peu à voir avec ce qu’il a dit en campagne. Il n’est pas encore à la Maison Blanche qu’il change déjà de discours.
Il a promis de doubler la croissance, de créer 25 millions d’emplois en dix ans, de réparer les infrastructures délabrées, de construire des hôpitaux… tout en baissant les impôts. Quels mensonges ! Comme tous les politiciens, Trump fera la politique qu’exige la grande bourgeoisie américaine. Il promet de faire revenir les emplois délocalisés en Chine ou au Mexique. Mais Ford n’a nulle intention de déménager ses usines du Mexique vers le Michigan, ni Apple de faire fabriquer dans l’Ohio les iPhone qu’elle produit en Chine ! En reprenant ses affaires comme à l’ordinaire, Wall Street a d’ailleurs reconnu en Trump l’un des siens.
En Europe, tous les politiciens tirent de l’élection américaine les conclusions qui les arrangent. Si la victoire de Trump a déçu les dirigeants de la droite, du PS, et les grands médias, c’est parce qu’ils avaient une solidarité de classe avec la favorite du grand capital. Le PS en particulier, après tant d’années de politiques anti-sociales, a accumulés le même discrédit parmi ses électeurs et craint à juste titre de subir le sort de Clinton.
De leur côté, les dirigeants du Vlaams Belang, du Front national en France et d’autres courants d’extrême-droite en Europe ont salué la victoire de Trump, espérant pouvoir tromper les électeurs déçus avec le même succès.
Trump est un démagogue misogyne et raciste. Il veut nommer des juges qui remettront en cause le droit à l’avortement. Il veut expulser des millions d’immigrés. Sa victoire peut renforcer les divisions parmi les travailleurs. Ceux-ci, les Noirs, les immigrés et les femmes en particulier, vont-ils être attaqués dans les mois et les années à venir ? Assurément, et ce n’est pas nouveau ! Le locataire de la Maison Blanche n’a jamais été de leur côté. Ainsi, si Trump veut expulser 2 ou 3 millions d’immigrés, 2,5 millions d’entre eux ont été expulsés sous Obama.
Le camp des travailleurs n’était pas représenté dans cette élection. Le choix des travailleurs se limitait à choisir entre deux candidats du même camp de la grande bourgeoisie.
La défaite de Clinton n’est pas celle du monde du travail. Celui-ci devra se faire entendre sur son propre terrain, celui de la lutte de classe. Par le passé, les travailleurs des États-Unis se sont battus avec force, sous des présidents aussi réactionnaires que Johnson et Nixon à l’époque de la révolte des Noirs et de la guerre du Vietnam, ou que Reagan dans les années 1980. Alors, aujourd’hui comme hier, aux États-Unis comme en Belgique, comptons sur les luttes collectives des travailleurs pour résister à l’offensive du capital.