« Tenir compte des intérêts et spécificités de chaque région et de chaque communauté », négocier une réforme de l’Etat dans laquelle « chaque communauté trouve son compte » et qui « permette le développement harmonieux » des deux régions. Voilà la nouvelle « com » douceâtre que distillent nos politiciens depuis les dernières élections.
Mais qu’est-ce qu’un « développement harmonieux », à une époque où les Etats sont au bord de la faillite et soumis aux aléas des coups de poker des spéculateurs boursiers? Que sont les « spécificités de chaque région », quand de la Grèce à l’Islande, et des Etats-Unis jusqu’au Japon c’est le même spectacle : les entreprises qui licencient tout en intensifiant l’exploitation de ceux qui gardent un emploi, tandis que les gouvernements font payer la dette creusée par les capitalistes à la population ?
En Flandre, les partis flamands veulent nous faire croire que si le chômage y était moins élevé, c’est parce que nous, les Flamands, on serait travailleurs, et nos politiciens flamands honnêtes et capables. Mais ces prétendues vertus flamandes n’ont pas empêché General Motors de fermer son usine à Anvers. Ils n’ont pas empêché Carrefour de fermer 15 magasins en Région flamande. Ils n’ont pas empêché les familles, bien flamandes, actionnaires de la KBC de s’enrichir non pas en travaillant dur, mais en spéculant sur les subprimes et d’extorquer ensuite plusieurs milliards à la Région flamande pour leur éviter la faillite. Et ils n’ont pas empêché que des dizaines de milliers de jeunes travailleurs n’aient aucune perspective de se construire une existence grâce à leur travail.
Par contre, quand la famille Spoelberch, actionnaire d’ABInbev, voulait imposer de nouveaux sacrifices aux travailleurs, le mouvement de grève qui s’est étendu à plusieurs sites du brasseur, en Wallonie et en Flandre, les a fait reculer.
Les ministres de la Région flamande n’ont pas de recette miracle qui ferait que la Flandre échappe à la crise et aux griffes des actionnaires et très riches familles, qui ne s’arrêtent devant rien quand il s’agit de leur profit. Qu’est-ce qu’ils ont pu faire de différent des gouvernements allemand, français, américain ? Comme partout ailleurs, ils ont distribué l’argent public aux banques et aux entreprises et comme partout ailleurs, ils se préparent maintenant à faire payer les masses laborieuses pour boucher les trous ainsi creusés.
Alors, les ministres de la Flandre veulent nous faire croire aujourd’hui qu’avec une nouvelle réforme de l’Etat, en Flandre, on payera moins d’impôts, on aura une meilleure couverture sociale, on pourra prendre des mesures pour éviter le chômage ? La réalité que nous préparent les négociateurs sera tout le contraire. La régionalisation des soins de santé ouvrira la porte à leur privatisation. La régionalisation des impôts ne profitera qu’aux riches, et pour ce qui est de « responsabiliser les régions dans le domaine de la politique de l’emploi », ce sera encore plus de sanctions pour les chômeurs, et encore plus de cadeaux pour les patrons.
Quant au préformateur francophone, qui se prétend socialiste, il s’inquiète qu’une région pourrait s’appauvrir au profit de l’autre. Mais ce sont les travailleurs, au nord et au sud du pays, qui sont en train de s’appauvrir, et au profit d’une poignée de riches ! Et cela avec le soutien du parti socialiste qui se profile comme chef-technicien dans ce nouveau découpage communautaire. Le PS n’a en effet rien à envier aux nationalistes flamands quand il s’agit de diviser les travailleurs afin de mieux permettre au monde patronal de voler les salariés. Il n’en est pas à son premier coup.
Ce sont les partis francophones qui ont tracé la frontière linguistique, et c’est le PS qui fut le moteur de la création des Régions qui ont mené à l’imbroglio inextricable qu’on connaît aujourd’hui. C’est suite à la crise commencée en 1974 que les partis wallons, avec à leur tête le PS, réclamaient plus d’autonomie pour pouvoir décider eux-mêmes quels patrons et actionnaires ils allaient subventionner pour « empêcher le déclin de l’industrie lourde et sauver des emplois ». Les partis francophones désignaient alors « les Flamands » comme responsables du chômage qui montait en Wallonie, alors que le chômage était dû aux grandes familles – francophones pour la plupart – qui s’étaient enrichies en Wallonie sur des générations de travailleurs de toutes origines, y compris flamande. Pendant ce temps les patrons continuaient à condamner des dizaines de milliers de travailleurs et leurs enfants au chômage et se tournaient vers d’autres horizons plus profitables : la région côtière certes, mais surtout le monde de la finance, tout à fait internationale, elle. Et cela tout en profitant de l’argent public coulant à flot vers leurs coffres forts.
Les travailleurs n’ont rien à gagner dans toutes ces divisions. Il s’agit de se défendre. Et c’est ensemble que nous sommes une force.