Quand j’ai commencé à travailler comme infirmière il y a un an, j’étais bercée par les illusions que l’humain serait au cœur de mon métier et que je pourrais soigner les patients dignement.
Conditions de travail insupportables
J’ai très vite été désillusionnée. Le travail dans les hôpitaux est insupportable. Le manque d’effectifs est pesant. Nous, les infirmières, sommes constamment amenées à réaliser des shifts supplémentaires quand la relève n’est pas assurée. Les semaines de 60h ne sont plus une exception.
Lorsqu’on ne trouve personne pour travailler sur un horaire manquant, on se doit d’effectuer le travail de deux personnes ! Alors qu’il est déjà impossible de réaliser tous les soins, qu’on doit prioriser et ne pas effectuer les soins jugés “non prioritaires”, et ce au détriment des patients… et de notre santé physique et mentale !
La charge de travail est telle que durant nos shifts, on a très rarement le temps de prendre une pause. Presque tous les jours, on effectue des shifts de 8h, voire 12h sans boire, sans manger et sans aller aux toilettes une seule fois !
Les hôpitaux au chevet de l’industrie pharmaceutique
Ces conditions de travail sont le reflet d’un système qui se fiche bien de la santé des êtres humains mais qui ne fonctionne que par la logique de rentabilité. C’est très visible dans les hôpitaux. Les tâches administratives, consistant à facturer jusqu’au moindre pansement, tracer le moindre comprimé et facturer les actes nous prennent un temps de plus en plus conséquent. Au détriment du temps passé au chevet du patient ! Ces tâches inutiles, n’ont d’autre objectif que de faire payer les soins de santé et d’engraisser les comptes en banque des actionnaires des entreprises pharmaceutiques. Actionnaires qui, d’ailleurs, ne viendront jamais se faire soigner dans les hôpitaux publics !
Plusieurs fois par an, l’hôpital est contrôlé, mais non pas pour juger de la qualité des soins aux patients, mais pour nous mettre sous pression pour facturer correctement, et de ces évaluations vont dépendre nos financements !
Le manque de moyens, même pour acheter des médicaments !
C’est scandaleux qu’en 2025, alors qu’on dispose de tous les moyens techniques pour soigner dignement les gens, on se retrouve à travailler dans ces conditions et que nos patients meurent du fait du manque d’effectifs, du fait des pénuries de médicaments liées non pas à des problèmes de production mais au fait que l’hôpital ne dispose pas d’assez de financement pour payer les entreprises pharmaceutiques, qui ne livrent en conséquence pas les médicaments. Par exemple, les antibiotiques de base nécessaires !
Médecine de classe
Récemment, l’un de mes patients a fait une complication suite à une grippe. Son état était tel qu’il devait recevoir des soins urgents et qu’il aurait dû être transféré aux soins intensifs pour survivre. J’ai contacté le médecin de garde qui l’a ausculté durant deux minutes, n’a pas échangé un seul moment avec le patient, il a à peine regardé son dossier et lorsqu’il a vu que la situation sociale du patient était “instable” (il était SDF), il est venu annoncer à l’équipe infirmière que le patient était désormais en statut palliatif, que si son cœur s’arrêtait on ne devait pas le masser et qu’il ne recevrait pas de soins intensifs, puis il est reparti. Sans même discuter avec le patient, ni lui annoncer qu’il allait probablement mourir pour une pathologie qu’on sait soigner facilement. Parce qu’il était SDF, il a tout simplement décrété qu’il ne méritait pas de vivre ! Mon patient est donc décédé.
En comparaison, une patiente très riche présentait de nombreux antécédents et une pathologie incurable. Lorsqu’elle a fait un arrêt cardiaque, le médecin sur place nous a demandé de continuer de la masser durant une heure et d’effectuer tout ce qui était possible avant de déclarer qu’elle était décédée.
Ces situations sont monnaie courante dans les hôpitaux publics, et je n’ose pas imaginer la situation dans les hôpitaux privés. Le mépris de classe y est répugnant et me révolte ! Ils laissent crever les pauvres sous prétexte qu’ils le sont !