En annonçant dès le 7 octobre le retrait des forces spéciales américaines présentes dans le nord de la Syrie, Trump a donné le feu vert au président turc Erdogan pour lancer l’armée turque contre les Kurdes syriens. Le cynisme avec lequel les dirigeants américains ont ainsi abandonné ceux sur qui ils s’étaient appuyés pour reconquérir les territoires contrôlés par Daech choque légitimement partout dans le monde.
Trump est ensuite apparu comme celui qui peut remonter les bretelles à Erdogan en menaçant de « détruire l’économie turque ». Mais l’accord du cessez-le-feu conclu sans les principaux intéressés prévoit le désarmement des milices kurdes et l’occupation de fait par la Turquie du territoire frontalier de la Syrie. C’est un cadeau à Erdogan. Désarmé entre les forces islamistes, Bashar Al Assad et l’armée turque, le peuple kurde est promis à un nouveau drame sanglant !
Le cynisme des grandes puissances est sans limite, mais il n’est pas nouveau. Les États-Unis sont à la manœuvre aujourd’hui, mais ils ont été suivis, ou précédés selon les épisodes, par la France et la Grande-Bretagne, les premières à avoir dépecé cette région stratégique, riche en pétrole, en y traçant des frontières arbitraires, coupant notamment les populations kurdes en quatre morceaux. Cette politique criminelle n’a fait que se poursuivre et s’approfondir.
Dès 1979, la CIA a financé et équipé les milices islamiques qui combattaient la présence soviétique en Afghanistan. Ce soutien a permis à un certain Oussama Ben Laden de faire ses classes et de tisser un réseau solide, avant de se retourner contre ses maîtres en fondant al-Qaïda. Le djihadisme, dont l’éradication sert aujourd’hui à justifier interventions militaires et lois sécuritaires au nom de la « lutte contre le terrorisme », est un produit direct des manœuvres impérialistes.
En 2011, après 8 ans de guerre « contre le terrorisme » en Irak, le démocrate Obama en a retiré les troupes américaines. L’occupant américain a laissé derrière lui un peuple meurtri et un pays détruit par la guerre civile, découpé par ses soins en zones confessionnelles sur lesquelles prospéraient des milices islamistes. Parmi elles, al-Baghdadi, futur fondateur de Daech.
Quand, en 2011, le Printemps arabe toucha la Syrie, l’intervention des grandes puissances visa d’abord à remplacer le régime d’Assad par un autre, plus docile à leurs intérêts. Elles agirent pour remplacer la contestation sociale par une guerre civile et confessionnelle. Les interventions des puissances régionales– l’Arabie saoudite, la Turquie, mais aussi le Qatar, l’Égypte et l’Iran – tour à tour encouragées et modérées par les États-Unis, transformèrent la Syrie en champ de bataille entre milices concurrentes. Après la population de l’Irak, c’était autour de celle de la Syrie de subir la terreur moyenâgeuse des milices islamistes en plus de celle du régime d’Assad, auxquels allaient s’ajouter les bombardements russes, américains… et belges.
Car lorsque Daech, née en Irak, réussit à s’imposer sur un vaste territoire en proclamant l’État islamique au Levant et en Irak, les grandes puissances durent changer leur fusil d’épaule. D’un côté, elles remirent le dictateur Assad dans le jeu, et tant pis s’il était responsable de la mort de dizaines de milliers de prisonniers politiques et qu’il avait bombardé sa propre population. De l’autre, les États-Unis et leurs alliés, dont la Belgique, formèrent une coalition pour combattre Daech. Cette coalition s’appuya sur les milices kurdes syriennes, encadrées par leurs conseillers militaires et appuyées par leurs avions. Au prix de lourdes pertes, les milices kurdes et les Forces démocratiques syriennes (FDS) reconquirent, ville par ville, le territoire occupé par Daech.
Comme ceux du Kurdistan irakien, les nationalistes kurdes de Syrie espéraient profiter de cette alliance pour conserver durablement le petit espace d’autonomie conquis au nord du pays à la faveur de la guerre civile. L’espoir aura été de courte durée.
Cette trahison des dirigeants occidentaux montre encore une fois que l’ordre mondial imposé par les grandes puissances ne laisse aucune place à l’autodétermination des peuples. Qu’il s’agisse des Kurdes, des Palestiniens ou d’autres, les grandes puissances n’agissent qu’en fonction de leurs propres intérêts et de ceux de leurs sociétés, pétrolières ou autres.
La domination de l’impérialisme ne mène qu’au chaos et à la guerre permanente, avec le risque de plonger le monde dans une guerre généralisée. Les discours de lutte anti-terroriste visent à nous mettre en rang derrière les gouvernements occidentaux et leurs intérêts meurtriers. La seule lutte juste pour le camp des travailleurs, est celle contre le système barbare qui est le capitalisme !