Des manifestations ont éclaté au Kenya depuis le 18 juin pour protester contre un projet de loi qui imposait de nouvelles taxes.
Dans un pays où un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté (2$/jour) et une personne sur cinq souffre de malnutrition, où des millions de jeunes sont sans travail et l’inflation des produits essentiels est de plus de 5% par an, ces taxes supplémentaires sur des produits comme le pain ou l’huile de cuisine étaient insupportables.
La répression…
Quand des milliers de jeunes manifestants ont envahi le parlement au moment du vote de la loi, l’armée a tiré à balles réelles, faisant une quarantaine de morts. Face au scandale, le président William Ruto a réagi en promettant de retirer les taxes, et a même fini par limoger la majorité de son gouvernement, affirmant que les choses allaient changer, et qu’il allait chercher l’argent pour rembourser la dette kényane ailleurs. Mais cela n’a pas suffi ! La colère était aussi tournée contre le président lui-même, un riche homme d’affaires qui se balade avec des montres à 50.000 euros, multiplie par trois le budget de son épouse et dilapide l’argent public dans de coûteux voyages à l’étranger, à l’image de toute la caste dirigeante corrompue.
Quelques jours plus tard, des hommes cagoulés débarquaient au domicile de plusieurs dizaines de manifestants, les tabassant, les violant, fouillant leur maison, menaçant leur famille, et enlevant certains qui n’ont toujours pas été retrouvés. Ce sont peut-être des cadavres de manifestants qui ont été découverts moins d’une semaine plus tard, découpés dans des sacs, à moins de 100 mètres d’un commissariat d’un bidonville de la capitale Nairobi. Des cadavres avaient d’ailleurs été découverts dans les mêmes conditions il y a quelques mois, et plusieurs ONG dénonçaient qu’il s’agissait sans doute d’exécutions « extra-judiciaires », commanditées directement par le parti présidentiel.
Si le président nie évidemment avoir quoi que ce soit à voir avec ces enlèvements ou ces cadavres, le message est clair : voilà ce qu’il en coûte de protester contre le gouvernement au Kenya, un pays prétendument démocratique qui multiplie les accords commerciaux avec les États occidentaux. La population qui a toutes les raisons de se révolter est maintenant prévenue : il s’agit d’une lutte à mort entre les travailleurs d’un côté, et de l’autre côté les dirigeants corrompus, mais surtout les banques et les capitalistes occidentaux qui les contrôlent.
… au service des banques
Les nouvelles taxes que voulaient mettre en place le président Ruto avaient été préparées avec la complicité du FMI, qui veille à ce que le pays puisse rembourser ses dettes, au mépris le plus complet de la population. Le Kenya fait depuis les années 2000 figure de modèle en Afrique, avec une croissance annuelle de plus de 5%, l’une des plus fortes de la planète. Cela est surtout dû au fait que le Kenya connaît une relative stabilité par rapport à ses voisins, ce qui a attiré un certain nombre d’investisseurs étrangers. Mais cette croissance, loin de bénéficier à l’ensemble de la population, a surtout bénéficié à une petite minorité de profiteurs.
L’État kényan, pour mieux servir les capitalistes étrangers, a multiplié les grands projets d’infrastructures, avec des routes, des chemins de fer, ou l’électrification des campagnes. Le chemin de fer qui relie la capitale Nairobi au port de Mombassa construit par une entreprise chinoise a coûté à lui seul près de 4 milliards de dollars, presque 10% de la dette externe du Kenya.
Mais ce qui a coûté le plus cher à la population kényane, c’est le coût de la dette elle-même. Les banquiers se sont agglutinés autour du Kenya comme des vautours, proposant des taux d’intérêts toujours plus élevés pour mieux piller le pays. D’après le président Ruto, ce serait 61% des revenus des taxes qui partiraient pour rembourser les dettes, dont une grande partie juste pour les intérêts.
Les banquiers qui se pressent aujourd’hui pour récupérer leurs dettes avec l’aide du FMI sont les premiers responsables de la misère et de la répression qui règne au Kenya. Ils sont prêts à provoquer des guerres plutôt que de renoncer à leurs profits criminels. Pour se débarrasser de la dette et enfin développer réellement le pays, il faudra se débarrasser d’abord des corbeaux et des vautours, et ça, à l’international !