La préparation de la grève des 27 et 28 janvier dans l’enseignement a été l’occasion de nombreuses assemblées dans les écoles. Ces assemblées ont permis de discuter de la situation et de chercher des arguments pour convaincre les collègues de se joindre au mouvement.
Echos de salles des profs
Beaucoup d’inquiétude exprimée par rapport à ce que vont devenir les élèves : une prof s’indigne du fait que les élèves majeurs vont être mis dehors : « ça va les pénaliser à vie, pour une année d’échec, ce qui peut arriver à tout le monde ». Une autre renchérit : «le gouvernement va faire des économies énormes en ne versant plus les allocations familiales (aux parents dont les enfants auront justement été mis dehors)». Et aussi « Que vont devenir les élèves s’ils n’ont plus accès à la 7ème ? Pour leur métier ? Leur droit au chômage ? Leurs papiers ? ».
Nombreuses discussions sur la précarité dans laquelle vivent les élèves. Des professeurs témoignent que cette année est encore pire : les élèves leur racontent l’impossibilité d’acheter le matériel de travail dont ils ont besoin (en particulier dans les sections techniques et professionnelles) ; quand on n’est pas confronté carrément aux élèves qui ont faim et sont incapables de suivre les cours l’après-midi.
Une prof, en grande colère contre le fait qu’on veut ramener les ouvriers en arrière : « Moi, quand j’ai commencé comme prof, je gagnais plus que ma mère qui était caissière au Delhaize depuis vingt ans, voilà, le gouvernement ne veut plus laisser les enfants d’ouvriers s’en sortir, ils veulent les laisser rester exploités un max ». « Je suis contre l’alternance, moi à l’école, j’ai appris plein de choses dans les cours généraux, j’adore l’histoire, là, ils veulent supprimer les cours qui nous donnent de la culture, ils veulent qu’on revienne à l’ignorance pour que les jeunes ne soient que des exécutants ».
En discutant de quelles revendications formuler, on dit que la suppression de la nomination est une forme de précarisation comme le connaissent les autres salariés, « faisons une pancarte contre l’uberisation des enseignants » !
Repris par une autre qui rappelle que les stagiaires (les dernières années des études d’enseignants) vont venir travailler gratuitement pendant un an.
Des délégués syndicaux qui proposent des slogans « contre le MR et les Engagés » se voient rappeler que la ministre PS menait une politique d’économies aussi ; et qu’en fait, cette réforme ne date pas de ce gouvernement : « en fait, avec le pacte d’excellence et l’obligation du tronc commun, le gouvernement précédent avait déjà commencé à organiser les économies et les suppressions de postes ».
Des délégués syndicaux qui proposent qu’on vienne à la manifestation et au piquet habillés en noir, avec des cercueils se voient opposer des refus : « ah non, moi, je ne suis pas enterrée, je suis en colère, on doit montrer ça, qu’on ne se laisse pas faire… on doit aussi montrer ça à nos élèves ».
De la déception aussi que les journées de grève soient éparses : certains regrettent de ne pas avoir été à la manifestation du 13 « avec les professeurs flamands », d’autres, « Pourquoi pas faire grève plus longtemps ? Et pourquoi pas avec d’autres catégories ? Comme Audi et Lunch Garden ».
N’en parlez pas…
Dans certaines écoles, les directions ont commencé à informer le personnel des fermetures de sections qui auront lieu l’année scolaire prochaine ainsi que des pertes d’emplois et pertes d’heures prévues suite aux différentes réformes à venir.
Ces séances d’informations ont été accompagnées à chaque fois de consignes de la direction interdisant aux enseignants d’en informer les élèves. Selon les écoles, les directions font pression pour empêcher les professeurs de répondre aux questions de leurs élèves, invoquant tour à tour leur devoir de réserve, l’obligation de neutralité, ou encore le risque de désinformation.
Ces déclarations sont ridicules – jusqu’à présent les écoles sont encore censées développer la curiosité et l’esprit critique des élèves, mais elles ont le mérite de montrer que le ministère craint que la mobilisation des enseignants s’étende aux élèves, ce qui est à souhaiter !
Dans une autre école, la direction fait une intervention pour dire qu’elle allait faire des rapports sur les malades, car « c’est à cause des absents si l’école va mal » ! En plein pic d’épidémie de grippe, il y a de quoi en rire !
Apprenez les langues ! Oui, mais pas à l’école publique !
A Bruxelles, la promotion sociale organise 230 modules de langues qui devraient passer à 170 l’année prochaine ! L’enveloppe budgétaire prévue pour 2024 a été dépassée et, en l’absence de gouvernement bruxellois, le budget n’est toujours pas indexé… et les économies pas encore annoncées.
Ainsi à partir de la rentrée prochaine, de nombreux cours de langues seront supprimés en promotion sociale, tandis qu’il est prévu que le nombre d’heures de cours de langues soit diminué dans l’enseignement secondaire… Voilà comment les ministres luttent contre la pénurie de professeurs de langues !