Vendredi passé, le seul riche de la capitale à ne pas savoir que ce n’était pas le moment de faire du shopping avenue Louise était le prince Laurent. Le distrait de la famille s’est donc retrouvé perdu au milieu de milliers de manifestants FGTB qui défilaient « contre les exilés fiscaux« , dans le style du milliardaire français Bernard Arnault, qui profitent d’une politique fiscale belge ultra-favorable à ceux qui vivent de leur fortune accumulée sur le dos des travailleurs.
Mais si les riches sont ici au paradis, cela n’empêche pas leurs porte-paroles de réclamer toujours davantage. Pieter Timmermans, de la FEB, proclame que « les emplois à horaires réguliers sont dépassés« . Les patrons veulent une adaptation de la législation du travail qui facilite le recours aux contrats d’intérims ou de « consultants », cet intérim pour les cadres. Ils veulent aussi « une limitation des allocations de chômage dans le temps » pour forcer les chômeurs à reprendre le travail… même moins payé, même loin de chez eux.
Quant à Luc De Bruykere, l’ancien patron du Voka, l’organisation patronale flamande, il réclame « un Etat plus efficace à moindre coût« , « une baisse du coût du travail » et « de la fiscalité pour les entreprises« .
Un Etat à moindre coût ? Des économies, l’Etat en a fait beaucoup : elles ont dépeuplé les administrations, laissé des trous dans le toit de dizaines d’écoles, entraîné que des trains se heurtent sur les voies et dégradé tous les équipements collectifs et les assurances sociales qui assuraient un certain niveau de vie à la population. Et cela dure depuis 40 ans ! Mais en 4 ans, le sauvetage des banques a englouti le produit de ces 40 ans d’austérité. Pourquoi ce serait à la population de payer encore, et pas aux milliardaires et aux capitalistes ? Ce sont eux qui sont responsables de la crise.
Quant au travail précaire, les patrons des entreprises du travail intérimaire se frottent les mains : 547 000 personnes ont travaillé sous ce type de contrat en 2011. Ce ne sont plus uniquement les jeunes qui sont concernés : le nombre d’intérimaires de plus de 50 ans est en forte augmentation. Le gouvernement belge prévoit de rendre légal le recours à l’intérim y compris dans le secteur public.
La baisse du coût du travail ? Mais la grande majorité des travailleurs a vu son salaire stagner, rongé par l’inflation, quand ils n’ont pas connu des baisses de salaire suite à une perte d’emploi ou une restructuration. Leur travail produit pourtant de plus en plus de richesses.
La fiscalité sur les entreprises, qui avoisinait les 50% (comme pour les salariés) dans les années ’70 est tombée officiellement à 33% aujourd’hui, et tourne en réalité autour de 25%, du fait des multiples faveurs fiscales comme les fameux intérêts notionnels.
Toutes ces mesures, le patronat les a réclamées et les a obtenues maintes et maintes fois. Les entreprises et leurs actionnaires se sont enrichis, alors que beaucoup de travailleurs ont plongé dans la pauvreté.
Nul ne peut encore croire que ces sacrifices demandés préparent une amélioration de la croissance et des emplois. Ce transfert de richesse des travailleurs vers les capitalistes est au contraire la cause du marasme économique mondial. Le seul objectif du patronat est de s’adapter à cette situation en récupérant auprès des salariés de quoi maintenir, restaurer, accroître les profits malgré la crise.
Les plus grands groupes, comme PSA, Ford, GM, Philips, Unilever… se lancent dans des plans de suppressions d’emplois, voire d’usines, tout en augmentant la charge de travail des salariés qui ont la chance de garder leur emploi.
Cette politique peut assurer des profits… pendant un certain temps. Mais elle aggrave la crise. Les sacrifices imposés aux travailleurs ne sauveront pas le capitalisme. Mais la récession qu’ils entraînent poussera les capitalistes à en réclamer d’autres.
L’issue est que les travailleurs imposent leur droit à vivre, interdisent les licenciements, partagent le travail entre tous et imposent des salaires et des pensions décents. La seule défense des travailleurs face à la menace que fait peser la crise du capitalisme, est la lutte collective.
Certes, comme le reconnaissent eux-mêmes certains dirigeants syndicaux de la FGTB, les organisations syndicales n’entreprennent rien de sérieux pour préparer de telles luttes. Mais les patrons n’auront de cesse d’imposer les mesures d’austérité jusqu’à ce qu’elles éclatent. Alors, il faut préparer ces luttes aujourd’hui en renouant avec la conscience que tous les travailleurs ont les mêmes intérêts et qu’une société débarrassée de l’exploitation du travail est non seulement possible, mais que c’est même le seul avenir pour l’humanité.