Les marchands d’illusions nationalistes

« Les Ecossais ont choisi », pouvait-on lire et entendre partout, au lendemain du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse qui s’est terminé par une courte majorité de 55,4% de « non ».

Mais quel choix avaient vraiment les Ecossais, et surtout les travailleurs d’Ecosse ?

Contrairement à ce que faisaient croire les nationalistes écossais, même indépendante, la petite Ecosse et ses 5,3 millions d’habitants seraient restés dépendants des capitalistes, qu’ils soient britanniques, américains ou européens.

Et ce n’est pas l’indépendance de l’Ecosse qui aurait pu mettre sa population laborieuse à l’abri de la rapacité des banquiers et capitalistes déterminés à leur faire payer leur crise par les licenciements et les programmes d’austérité.

Mais cela n’empêchait pas les nationalistes écossais de prétendre qu’une fois indépendante, l’Ecosse aurait eu un PIB par habitant comparable à celui de la Suisse. L’Ecosse serait ainsi devenue une sorte de Koweït à l’européenne, grâce à son pétrole !

Depuis qu’il a pris la tête des institutions écossaises, en 2007, le parti nationaliste écossais (SNP) a pris des mesures populaires, mais pas trop coûteuses, à court terme, destinées à séduire la population laborieuse. Ainsi, contrairement à l’Angleterre, les médicaments sont gratuits en Ecosse, de même que les soins à domicile pour les personnes âgées et handicapées. Et les universités en Ecosse n’exigent pas les droits d’inscription exorbitants que les universités anglaises ont introduits en 2011 (minimum 7500 €/an).

Nous connaissons cette politique. En Flandre, il y a eu le « jobkorting », cette petite réduction fiscale pour les travailleurs en Flandre, l’assurance de soins flamande, ou la promesse d’allocations familiales plus élevées pour les parents flamands. Mais à l’instar de ce qui se passe en Flandre, ces opérations de séduction risquent de vite s’effacer pour laisser place à la véritable politique des nationalistes. Car ce qu’ils prêchent, tout comme les autres partis, ce sont les cadeaux au patronat.

Ainsi, le SNP veut réduire les impôts pour les entreprises et faire de l’Ecosse un pôle d’attraction pour les investisseurs étrangers avec de nombreux avantages fiscaux à la clé pour les financiers et patrons qui voudraient s’installer en Ecosse.

En termes d’emplois, cela n’apportera pas plus qu’ici, mais les travailleurs recevront la note. Car il faut bien que quelqu’un paye. Et comme ce ne seront pas les patrons, ce seront les travailleurs.

Il est difficile de dire à quel point les travailleurs écossais qui ont voté pour l’indépendance sont séduits par les mirages des marchands d’illusions nationalistes. Mais ce qui est certain, c’est que le vote pour l’indépendance a été pour beaucoup un vote contre le gouvernement de Londres. Celui-ci impose depuis des années sa politique antisociale et anti-ouvrière aux travailleurs de toute la Grande-Bretagne. Et bien des jeunes ont certainement plus voté contre les droits d’inscription exorbitants décidés par Londres et qui condamnent les étudiants issus des milieux populaires à s’endetter lourdement ou de renoncer aux études, que pour l’indépendance.

Mais c’est là que se situe le vrai enjeu et le vrai danger pour les travailleurs avec le regain des courants nationalistes. Car ce n’est pas sous les drapeaux nationalistes qu’ils peuvent défendre leurs intérêts, peu importe d’ailleurs que le drapeau soit écossais ou souverainiste britannique (contre la participation à l’Europe). Ce n’est pas en suscitant la création de nouvelles frontières dans cette Europe déjà trop morcelée qu’ils seront plus forts, mais au contraire en les abolissant pour permettre l’unité des travailleurs.

Car ce sont les travailleurs qui subissent la crise, les licenciements et l’austérité pour que soient préservés les profits des banques et entreprises, où qu’ils soient et peu importe la langue qu’ils parlent.

Partout, il y a des travailleurs qui pensent à juste titre que ce serait aux riches de payer, et pas aux travailleurs. Mais personne ne leur demandera leur avis sur cette question par un référendum. Faire payer les riches c’est une nécessité, mais il faudra des luttes communes, sous le drapeau internationaliste, pour l’imposer. C’est cette force de la classe ouvrière consciente de ses intérêts communs qui peut faire reculer les possédants qui s’enrichissent sur le dos des travailleurs. Et c’est pour cette raison que pour les capitalistes, tous les nationalismes sont bons pour nous diviser.