Depuis cet été, l’inflation est supérieure à 10%, loin au-dessus de l’indexation des salaires qui ne reflète que très partiellement, et avec retard, l’augmentation des prix.
Des travailleurs sont mécontents de l’immobilisme des syndicats qui n’appellent qu’à des actions limitées et espacées.
À la suite d’une mobilisation syndicale le jeudi 20 octobre, des chauffeurs de la compagnie publique de Transport en Commun (TEC) de la ville de Charleroi ont entraîné leurs collègues dans une grève et des actions prolongées. Quatre dépôts ont rejoint le mouvement, 200 chauffeurs se regroupaient chaque jour en Assemblée pour décider de leurs actions.
Les chauffeurs disaient qu’avec 2 000€ net, ils ne s’en sortaient pas, mais ils ne voulaient pas apparaître comme luttant pour leurs seuls intérêts, alors ils appelaient le reste de la population à les rejoindre dans leur lutte contre la baisse du pouvoir d’achat. Ils expliquaient que ce n’était pas une grève syndicale, mais « un mouvement citoyen contre la vie chère ». Les premiers jours, leurs actions consistaient en blocages de ronds-points et de la gare de Charleroi.
Les syndicats ne se sont pas opposés frontalement à cette grève. Dans les médias ils ne lui apportaient pas leur soutien, mais les délégués sur place affirmaient aux grévistes qu’ils étaient « couverts ».
Et, en l’absence de direction élue, ce sont les propositions des délégués syndicaux, qui affirmaient alors parler en tant que « citoyens » et pas en tant que syndicalistes, qui étaient régulièrement reprises.
Après quatre jours d’actions, les grévistes ont décidé d’aller à la rencontre des travailleurs de deux dépôts de la Poste et d’une entreprise intercommunale publique de traitement des déchets, Tibi. Les grévistes des TEC se sont adressés avec conviction aux autres travailleurs en les appelant à les rejoindre. Chez Tibi, ils ont été proches de réussir, mais un syndicaliste de Tibi est intervenu pour organiser un vote à bulletin secret dans les locaux de l’entreprise… sous les yeux de la direction, ce qui a freiné les travailleurs de Tibi. Des chauffeurs en grève commençaient à prendre conscience des manœuvres syndicales.
Et quand un gréviste des TEC a proposé d’aller à la rencontre des ouvriers de l’entreprise privée SONACA (aviation), là les syndicalistes des TEC s’y sont opposés frontalement.
Des chauffeurs des TEC ont vu dans cet échec un défaut d’organisation : qui devait parler, pour proposer quoi, comment ?
Le soir même, lors d’un rassemblement, un de ces chauffeurs, poussé en avant par des collègues, a pris la parole pour proposer qu’en cas de reconduction de la grève, quelques grévistes – mais pas des délégués – soient élus « pour organiser les choses ».
Le lendemain matin, le mercredi 26, lors d’un vote à bulletins secrets, une courte majorité de 118, contre 100, s’est prononcée pour la continuation de la grève. Alors que les hésitations paralysaient les initiatives, l’idée d’une prime a été récupérée par les permanents syndicaux qui ont orienté vers la reprise en promettant de négocier avec la direction de la TEC.
La grève aura duré six jours complets. Son objectif était de développer un mouvement général de lutte contre la vie chère. La veille de la reprise en main par les syndicats, les grévistes étaient en voie de sélectionner parmi eux un début de direction alternative à celle des syndicats.