Le monde patronal a trouvé un pays de cocagne : l’Allemagne. Regardez, nous disent leurs représentants, ce merveilleux pays où la croissance est plus élevée qu’ailleurs, le taux de chômage de 7 % seulement, un véritable wirtschaftswunder (miracle économique).
Pour le libéral flamand Alexander De Croo, et quelques autres, Di Rupo doit devenir le Schröder belge, d’après le nom de l’ancien chancelier social-démocrate allemand. Et Bart De Wever appelle même à un « front flamand » pour imposer des réformes à l’allemande aux partis francophones, notamment la limitation des allocations de chômage dans le temps.
Mais il ne faut pas gratter beaucoup, et il suffit de regarder de près la situation en Allemagne, pour qu’apparaisse sous les dehors chromés du prétendu miracle allemand, une véritable descente aux enfers pour les travailleurs, au grand profit du patronat.
Le gouvernement Schröder avait en effet réformé tout le système des caisses de chômage, ou plutôt, il l’avait démoli. Les allocations de chômage ont été limitées à quelques mois. Ensuite, les travailleurs licenciés (et il y en a eu des centaines de milliers ces dernières années), doivent demander une allocation nommée « Hartz IV », d’après le nom de l’ancien chef du personnel de Volkswagen qui s’en était fait le défenseur.
Mais pour y avoir droit, le travailleur concerné doit d’abord liquider son épargne, vendre son assurance vie, sa maison – s’il en possède une – et même vider les carnets d’épargne de ses enfants. Le travailleur au chômage n’aura droit à Hartz IV que lorsque lui et sa famille seront tout à fait dépourvus d’épargne et de propriété immobilière.
Et même cette maigre allocation peut être supprimée à tout moment, si le chômeur ne reste pas « disponible sur le marché du travail ». C’est ainsi qu’on l’oblige à accepter n’importe quel travail, dans n’importe quelles conditions. Tel un job intérimaire pour quelques heures pour 8 ou 9 euros l’heure, y compris dans des entreprises où les salaires officiels sont du double. Et les salaires peuvent être encore plus bas, car il n’y a pas de salaire minimum en Allemagne. Ce qui fait que bien qu’ayant travaillé, le salaire ne permet pas de vivre et doit être complété par l’allocation Hartz IV, qui permet tout juste de survivre.
Le résultat de cette « réforme » est que le patronat peut profiter d’une armée de travailleurs précaires et mal payés. Et pourquoi se priverait-il de ce travail bon marché, en embauchant sous CDI? Voilà comment l’ensemble de la classe ouvrière s’enfonce dans la précarité.
Et ces nouveaux travailleurs pauvres et sans droits n’apparaissent peut-être pas dans les statistiques du chômage, mais ils apparaissent, avec leurs enfants, dans les files des soupes populaires qui se multiplient.
Voilà ce qui se cache derrière le « wirtschaftswunder » allemand qui n’en est un que pour les plus riches. Voilà ce qui se cache derrière les politiques qui s’en prennent aux chômeurs et pas aux licencieurs. Que ces politiques soient proposées par un « front flamand », par une porte parole patronale francophone ou un président portugais de la Commission européenne, elles reviennent au même.
La politique patronale se traduit de la même façon dans toutes les langues : faire payer les travailleurs pour maintenir, voire augmenter, les profits capitalistes.
Et si les travailleurs en Flandre n’ont rien à attendre de ceux qui prétendent défendre « les Flamands », les travailleurs en Wallonie auraient bien tort d’attendre quoi que ce soit du parti socialiste. Bien sûr, on entend parfois une Onkelinx ou un Magnette déclarer que les riches doivent faire un effort, eux aussi. Mais ce ne sont là que des paroles. Loin de vouloir imposer quoi que ce soit à la bourgeoisie, le parti socialiste, que ce soit au niveau régional, avec le plan Marshall, ou au niveau fédéral, en votant par exemple la loi des intérêts notionnels, mène au contraire une politique de cadeaux aux actionnaires des banques et des plus grandes entreprises. C’est que le parti socialiste a abandonné depuis bien longtemps les perspectives socialistes, et qu’il est devenu un fidèle gestionnaire des affaires de la bourgeoisie.
Pour nous les travailleurs, il n’y a pas de sauveur suprême, la seule perspective pour défendre nos conditions d’existence, c’est la lutte, c’est la mobilisation de notre propre force, la force de ceux qui font tout fonctionner, les entreprises et toute la société:
Contre le chômage, il faut la répartition du travail entre tous, sans perte de salaire!
Contre la dégradation du pouvoir d’achat, il faut l’indexation des salaires sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes.
Pour empêcher les banques d’étouffer l’économie, il faut les exproprier sans indemnité et les regrouper en une seule, soumise au contrôle de la population.