On commémore cette année le déclenchement de la première guerre mondiale en 1914. Bien des salles de musée, d’émissions à la télé et de pages de journaux y sont consacrées. Mais on y apprend peu de choses sur les raisons de cette effroyable boucherie qui a fait 9 millions de morts et 20 millions de blessés. Et pour cause, car les raisons de cette guerre étaient déjà les mêmes raisons que pour les innombrables guerres d’aujourd’hui.
Tout au long des 25 dernières années du XIXe siècle, les principales puissances capitalistes européennes – Grande-Bretagne, France, Allemagne – avaient rivalisé pour la domination sur les colonies en Asie et en Afrique qui procuraient à leurs industriels matières premières et débouchés pour leurs marchandises.
La « pauvre petite Belgique », comme l’ont nommée les autorités britanniques en 1914 pour justifier l’entrée en guerre de leur pays, n’a pas été en reste. Avec l’aide du roi Léopold II et profitant des rivalités entre les plus grandes puissances, la bourgeoisie belge sut mettre la main sur le Congo, un territoire 80 fois plus grand que la Belgique. Le caoutchouc, l’ivoire et bientôt le cuivre, les diamants et l’or, et surtout la main-d’œuvre réduite en esclavage par un régime de terreur étaient les sources principales de l’enrichissement de la classe capitaliste belge.
Mais vers 1905, quasiment tous les territoires de l’Afrique et de l’Asie étaient pris. Il ne restait plus alors aux puissances impérialistes qu’un seul moyen d’accroître encore leurs domaines coloniaux : prendre les colonies des autres, y compris par la guerre. Commença alors la course aux armements, au moyen de budgets militaires gigantesques. En Belgique aussi, soi-disant neutre, le service militaire obligatoire fut introduit, l’armée étoffée à 225.000 hommes et rééquipée.
Mais ces agissements, visant à faire des ouvriers et des paysans de la chair à canon pour les profits de « leur » bourgeoisie nationale, étaient dénoncés par les organisations du mouvement ouvrier européen. La conférence internationale du mouvement socialiste de 1912 adopta un manifeste qui soulignait les buts de brigandage des coalitions guerrières qui se formaient et appelait les socialistes de tous les pays à opposer « à l’impérialisme capitaliste, la puissance de la solidarité internationale du prolétariat ».
Encore en juillet 1914, peu de jours avant le début du conflit, Berlin et Paris étaient des scènes de manifestations ouvrières contre la guerre qui mobilisaient des centaines de milliers d’hommes et de femmes sous les drapeaux rouges.
Mais au moment décisif de l’été 1914, les principaux dirigeants de ces partis – le POB en Belgique (l’ancêtre du PS/SP.a), la SFIO en France, le SPD en Allemagne, le Labour Party en Grande-Bretagne – allaient renier leur discours internationaliste pour se mettre au service de leurs bourgeoisies nationales respectives.
En Belgique, Émile Vandervelde, dirigeant du Parti Ouvrier Belge et président de la 2ème Internationale, justifia l’appui de son parti à la guerre capitaliste en ces termes : « c’est une guerre sainte pour le droit, la liberté et la civilisation (…) » Il sera nommé ministre d’Etat par le roi, fonction qu’il exerça durant les 4 années que dura le massacre.
Mais les soldats qui crevaient de la même manière dans les tranchées ennemies, les famines à l’arrière, et le cynisme des riches et puissants finirent par provoquer une immense vague révolutionnaire qui déferla sur l’Europe.
Quand la révolte éclata en février 1917 en Russie, le régime tsariste ne réussit pas à tenir plus de trois jours devant les ouvriers et les soldats déterminés à utiliser désormais leurs fusils pour débarrasser le monde des fauteurs de guerre plutôt que les utiliser encore contre leurs semblables. En octobre 1917, la révolution déboucha sur la prise du pouvoir des ouvriers et des paysans, et des soviets, leurs organisations de lutte contrôlées par eux-mêmes.
En 1918, la révolution gagna l’Allemagne et le Kaiser dût abdiquer. C’est la peur de la révolution au ventre à la vue de fraternisations entre soldats allemands insurgés et ouvriers belges à Bruxelles, que le gouvernement belge céda en 1918 la journée des huit heures et le suffrage universel pour les hommes.
Cette révolution commencée en 1917 reste encore à achever, car, comme le disait l’Internationale socialiste déjà en 1889 : « la guerre ne disparaîtra définitivement qu’avec la disparition du capitalisme, l’émancipation du travail et le triomphe international du socialisme ». En effet, depuis 1914 (et en fait depuis le début), le monde capitaliste n’a pas connu un seul jour de paix. Alors oui, souvenons-nous-en !