Les travailleurs…
« Nous sommes peintre-pylonistes. Notre métier, c’est de monter sur des pylônes haute-tension pour les repeindre. Les pylônes font entre 40 et 105 mètres de haut, qu’on doit grimper avec une bassine de peinture de 15 kilos accrochée à la ceinture. La tension peut atteindre 400 000 volt. On doit porter constamment des vêtements de travail avec longues manches et pantalon, en dessous d’une combinaison. Lunettes et masques obligatoires. En cas de canicule, lorsque le métal peut atteindre 50°, on perd 2 à 3 litres d’eau par jour de travail. Le travail est dur, il faut aller vite. Nettoyer les surfaces à la brosse ou au karcher, retoucher les zones abîmées par la rouille, appliquer les couches de préparation puis de finition.
Les contrôles sont stricts… pour les pylônes. Pas pour notre protection. Nous décapons de l’ancienne peinture au plomb sans protection. Des poutrelles métalliques auxquelles on accroche le harnais se décrochent du fait de la rouille. Si un collègue tombe, nous avons 15 minutes pour le décrocher de son harnais avant un risque de choc sanguin. Nous devrions disposer de kits de secours dans chaque véhicule, mais ce n’est pas le cas.
Parfois, nous travaillons avec des collègues roumains ou polonais, avec qui on ne peut pas communiquer facilement, ce qui posent de réels problèmes de sécurité pour eux comme pour nous. Un mauvais positionnement peut provoquer un arc électrique et un risque (d’électrocution / d’électrisation) pour toute l’équipe présente sur le pylône.
Elia, le gestionnaire de transport de la haute tension, c’est le client, mais notre employeur, c’est un sous-traitant. Des responsables d’Elia supervisent notre travail et veillent à l’application des règles de sécurité, mais ils sont parfois eux-mêmes dépassés.
Après dix ans de travail, notre salaire est loin d’atteindre les 25 à 30 000 euros par an annoncés, car l’entreprise nous met en chômage économique quatre mois par an, durant l’hiver.
Nous sommes fiers de faire ce travail, mais ce n’est pas normal de gagner si peu pour prendre autant de risques. »
… le patron…
« Un métier que même le diable ne voudrait pas faire ! ». C’est ainsi que Damien de Dorlodot, patron du groupe Decube, définit le métier de peintre-pylôniste. Cet ancien cadre de Fabricom a racheté à son employeur sa filiale, Monnaie SA, spécialisée dans l’entretien des pylônes haute tension. Une entreprise rentable qui lui permet de financer les achats de son holding financier qui possède désormais sept entreprises actives en Belgique et en France.
… le fournisseur
Le Forem organise régulièrement des actions « coup de poing pénurie » pour recruter des pylônistes. L’offre de formation est alléchante. « Devenez un alpiniste de l’industrie », « pas besoin de diplômes », « 100% des stagiaires reçoivent un CDI ». Mais sur des dizaines de candidats, seuls quelques-uns sont retenus. Il faut une bonne condition physique, ne pas avoir peur du vide, accepter de longs déplacements. La formation dure trois mois, payée 2€/brut de l’heure en plus de l’allocation de chômage.