Cet article est traduit de la lettre d’information de nos camarades italiens qui éditent l’Internazionale (Italie-UCI).
Vendredi 18 juin, près de Novare, dans le nord de l’Italie, un ouvrier de 37 ans, Adil Belakhdim, a été renversé et tué par un camion. Cet ouvrier, représentant syndical, participait à un sit-in devant un entrepôt Lidl, dans le cadre d’une journée de protestation appelée par les syndicats de base du secteur de la logistique pour faire annuler les 245 licenciements annoncés à la société Fedex-Tnt. La mort tragique d’Adil est un épisode de la lutte de classe féroce en vigueur dans ce secteur, où règnent la précarité et la surexploitation.
Il n’est pas nécessaire de commenter les indignations officielles des ministres et autres politiciens. On les avait déjà entendus quelques jours plus tôt, après les attaques de nervis patronaux contre le piquet de grève des travailleurs de l’entrepôt de Lodi, qui avaient fait » découvrir « aux journalistes et même au ministre du Travail, l’exploitation effrénée de dizaines de milliers de préparateurs de commandes et manœuvres, parmi lesquels de nombreux travailleurs immigrés, soumis au chantage permanent du renouvellement de leur titre de séjour. Cela explique d’ailleurs que personne, à part les syndicats de base, ne s’en soit jamais occupé sérieusement.
Les responsables de cet état de fait sont d’abord les patrons, petits et grands, qui utilisent un système de sous-traitance en cascade et de fausses coopératives pour baisser les salaires bien en dessous des normes contractuelles et pour prolonger les horaires au-delà de toute limite. Dans ce secteur, impossible de s’abriter derrière «la crise» pour tout justifier car, déjà en forte expansion avant la pandémie, il a encore prospéré pendant. Les patrons se sont donc rempli les poches avant et pendant la crise sanitaire.
Mais on ne peut taire les responsabilités de l’État. Tous les gouvernements des trente dernières années ont contribué à aplanir la voie pour une bourgeoisie particulièrement sans scrupules, avec une série de lois qui permettent toutes les formes de précarité. Mais les patrons ne se contentent plus du paradis que leur a taillé la législation italienne. Ils en veulent davantage et ne s’embarrassent même plus des quelques lois existant encore pour protéger les travailleurs. (…)
Tout cela démontre que deux partis s’affrontent : celui des patrons et celui des travailleurs. Nous avons vu de quel côté se trouvent les gouvernements, les partis et les institutions étatiques. Les sommets des grandes centrales syndicales, quant à eux, ont été jusqu’à présent trop occupés à se montrer «respectables» aux yeux des classes dirigeantes pour se consacrer sérieusement à la défense des droits de ces travailleurs.
Mais la précarité, les licenciements et la misère ne menacent pas seulement les travailleurs de la logistique, les ouvriers agricoles ou les manœuvres du bâtiment. Entre 2019 et 2020, le nombre de personnes en état de pauvreté absolue a augmenté d’un million en Italie : cela représente pour la bourgeoisie un énorme réservoir de sans-travail et sans-ressources, qui pèse sur toutes les catégories et aggravera les conditions de travail dans tous les secteurs, si aucune réaction collective ne vient des travailleurs.
Aujourd’hui déjà, le chef de famille est ouvrier dans 13 % des familles pauvres, suivant les critères de l’Istat (l’institut statistique italien). La précarité fait tache d’huile partout et devient la condition d’emploi normale des ouvriers. L’augmentation du nombre de morts au travail en est un autre signe.
Les objectifs d’une lutte d’ensemble découlent des nécessités imposées par la situation : à travail égal, salaire égal ; fin des contrats flexibles et, pour faire face aux variations des commandes et des productions, répartition des heures de travail entre tous, en maintenant les salaires ; interdiction des licenciements ; des salaires qui permettent de vivre décemment. Du travailleur de la logistique à l’infirmière, en passant par l’ouvrier de la métallurgie et le maçon, tous les travailleurs sont concernés par ces objectifs.
Dans le passé, la classe ouvrière a su mettre toute sa force dans la balance et cela a payé. Il s’agit aujourd’hui de militer pour revenir à ce genre de mobilisations. Cela concerne tous les travailleurs qui en comprennent la nécessité.