Gaza, un peuple pris en étau entre Israël et le Hamas

Une poudrière entretenue par l’impérialisme

La guerre qui déchire de nouveau le Moyen-Orient illustre les conséquences dramatiques des manœuvres des puissances impérialistes dans cette région du monde, non seulement stratégique mais aussi riche en pétrole.

Les Etats français et anglais d’abord, puis américain, n’ont cessé d’y intervenir tantôt ouvertement, tantôt en sous-main, en s’appuyant sur les uns contre les autres, pour maintenir leur domination sur cette région et piller les richesses pour le compte de leurs multinationales.

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, ni le Liban, ni la Syrie, ni l’Irak, la Jordanie, la Palestine n’étaient des pays séparés. Ils étaient des régions d’un même ensemble, l’Empire ottoman (turc). En 1918, lorsque celui-ci s’écroula, les dirigeants anglais et français mirent la main sur la région. Ils la découpèrent de manière totalement artificielle en différents États. Cela permet depuis aux dirigeants impérialistes de jouer sur leurs rivalités, de mener une politique avec l’un et une politique différente avec l’autre, voire de les jeter dans des guerres fratricides.

Ce fut le cas lors de la guerre entre l’Irak et l’Iran, pour ne citer que cet exemple. Après la chute du chah d’Iran et l’arrivée de l’ayatollah Khomeiny au pouvoir en 1979, les États-Unis se retrouvèrent privés d’un allié important au Moyen-Orient, et face à un régime qui les défiait.

Saddam Hussein, dirigeant de l’Irak voisin, bien que considéré peu fiable car trop proche de l’URSS, vint leur offrir une solution politique en déclenchant, en 1980, la guerre contre l’Iran de Khomeiny. Les puissances impérialistes étaient gagnantes sur tous les tableaux : jouer l’Irak contre l’Iran permettait d’affaiblir deux puissances régionales qui leur posaient problème. Leurs marchands d’armes alimentèrent les deux camps en faisant durer une guerre qui les enrichissait. Celle-ci dura plus de huit ans. La population des deux pays en paya le prix fort, avec plus d’un million de morts et des destructions innombrables.

En 1990, l’impérialisme américain, soutenu par tous les autres impérialismes, dont la Belgique, déclencha la guerre contre l’Irak qui envahissait le Koweït. Ces mêmes dirigeants laissèrent ensuite Saddam Hussein, pourtant vaincu, mater les révoltes des régions kurde et chiite. Puis, plus de dix ans plus tard, en 2003, le président américain Bush déclencha une nouvelle guerre contre l’Irak, sous le prétexte de la présence d’armes de destruction massive, un mensonge monté de toutes pièces.

L’élimination de Saddam Hussein et la démolition de tout l’appareil d’État allumèrent un nouveau brasier. Le pays vit naître des bandes armées qui purent recruter dans une jeunesse animée par la haine d’une occupation militaire qui allait durer neuf années. De ce chaos naquit l’organisation État islamique, Daech.

Chaque intervention des grandes puissances a amené ainsi de nouvelles divisions, de nouvelles contradictions et fait naître de nouveaux conflits. Les dirigeants impérialistes se présentent en sauveurs des populations victimes de la barbarie, mais ils sont les premiers responsables de celle-ci. C’est d’abord à leur domination qu’il faut mettre fin.

Extraits du journal français Lutte ouvrière

Une prison-cimetière

Coincée entre la Méditerranée, l’Égypte et Israël, la bande de Gaza est une terre prise en étau dans un conflit qui fait peser sur sa population un concentré de répression, de guerre et de misère.

Plus de deux millions de Palestiniens vivent dans la bande de Gaza. Ce sont en grande partie des réfugiés ou des descendants de réfugiés des diverses guerres subies par leur peuple. La densité de la population y est du même ordre que celle d’une ville comme Bruxelles.

Gaza est une prison à ciel ouvert que ses habitants ne peuvent quitter. Le territoire, entouré par une clôture militarisée, est maintenu sous haute surveillance par l’armée israélienne. Il n’y existe que deux points de passage vers Israël, l’un au nord, l’autre au sud, et un vers l’Égypte.

La bande de Gaza fut d’abord occupée par l’Égypte après la déclaration d’indépendance d’Israël en 1948, et accueillit alors 170 000 réfugiés dans des camps, dont plusieurs ont subsisté en s’agrandissant. Aux yeux des grandes puissances, le territoire était censé devenir une partie du futur État palestinien.

Mais après la “guerre des Six jours” de 1967, les colons israéliens commencèrent à occuper les meilleures terres. Après 38 ans d’occupation, la situation y devenait moralement et matériellement insupportable. La bande de Gaza devint le terrain de révoltes populaires, en particulier de la jeunesse, dont les sentiments d’oppression et de mépris ressentis devenaient explosifs.

L’occupation devenant trop coûteuse et difficile pour Israël, l’évacuation de ses 21 colonies fut décidée en 2003, et prit effet en 2005.

En 2007, le ­Hamas prit le pouvoir dans le territoire, après des combats contre le Fatah fondé par Yasser Arafat, la principale organisation de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP). Dès lors, sous prétexte de lutte contre le Hamas, Israël fit subir dans discontinuer aux deux millions d’habitants de Gaza blocus et attaques guerrières, dont certaines des plus meurtrières.

Les bombardements de 2008 firent 1315 morts Palestiniens (dont 400 dans les quatre premiers jours). En 2014, de nouveaux bombardements ont tué plus de 2 100 Palestiniens, dont 541 enfants. Plus de cent mille habitations furent détruites et dix-sept hôpitaux endommagés.

Les années récentes virent encore des bombardements, tant et si bien qu’en vingt années plus de cinq mille Palestiniens ont perdu la vie en revendiquant le simple droit à l’existence.

Hamas : une politique contraire aux intérêts des Palestiniens

Les dirigeants israéliens présentent les islamistes du Hamas comme leurs pires ennemis. Mais, pendant des années, notamment les années 80, ils n’ont pas hésité à les favoriser pour contrer l’influence de l’Organisation de Libération la Palestine (OLP) de Yasser Arafat, qui se réclamait d’un nationalisme laïc.

Arrivés à la tête de l’Autorité palestinienne à Gaza en 1996, les représentants de l’OLP ne tardèrent pas à se discréditer aux yeux des Gazaouis, tant ils apparaissaient corrompus et inefficaces pour régler les problèmes, et empêcher que des familles palestiniennes soient chassées de leurs terres. Car durant toute cette période et jusqu’à aujourd’hui, la colonisation israélienne s’est poursuivie.

Alors le Hamas capta à son profit la révolte de la population gazaouie.

Il la militarisa et enrôla la jeunesse au sein de ses milices, avec pour seule politique l’organisation d’attentats-suicides contre des civils israéliens, créant un climat de panique dans la population israélienne. Cette politique terroriste du Hamas ne fit que renforcer l’extrême droite en Israël. Les défenseurs israéliens de la cause palestinienne et de la paix devinrent de plus en plus minoritaires, accusés de trahison. Elle servit de prétexte pour  transformer les deux millions de Gazaouis en otages et en victimes des bombardements israéliens.

Mais, si le Hamas a semé la mort parmi les Israéliens pour les terroriser, il utilise en cela les mêmes armes que les colons israéliens pour chasser les paysans palestiniens de leurs terres. Et depuis des dizaines d’années l’État d’Israël utilise la terreur des bombardements, un terrorisme bien plus grand. L’armée israélienne a tué des centaines d’enfants, des milliers de civils, détruit des hôpitaux, des écoles, sous le regard des grandes puissances complices.

Il n’y a aucune raison de se sentir solidaire du Hamas, mais toutes les raisons de se sentir solidaire du peuple palestinien contre l’État d’Israël et contre le Hamas lui-même.

Les Palestiniens ont tout autant que les Israéliens droit à leur existence nationale. Il y a bien deux camps dans cette guerre, mais pas ceux qu’on nous présente. D’un côté, il y a les dirigeants d’Israël et des grandes puissances, mais aussi ceux des États arabes, du Hamas et même de l’Autorité palestinienne, qui veulent avant tout le pouvoir et contribuent chacun à leur façon au maintien de l’oppression des peuples. En face, les opprimés arabes, palestiniens et israéliens n’ont aucun intérêt à cette guerre. Mais ils ne pourront y mettre fin qu’en s’unissant sur la base de leurs intérêts de classe contre tous leurs oppresseurs.

Israël : montée de l’extrême droite

Au début du 20e siècle, le mouvement sioniste présentait la création d’un État juif comme un moyen d’échapper aux persécutions subies en Europe centrale. Après la Deuxième Guerre mondiale et l’extermination de six millions de Juifs d’Europe par les nazis, des centaines de milliers de rescapés affluèrent pour fonder l’État d’Israël en 1948. Pour imposer cette création à la Grande-­Bretagne qui contrôlait alors la Palestine, les groupes sionistes ne reculèrent d’ailleurs pas devant une violence armée terroriste. Un terrorisme qu’ils utilisèrent aussi pour expulser les populations arabes par villages entiers et occuper leurs terres.

Et lors d’une première guerre contre les États arabes, en 1948-1949, l’armée du jeune État chassa de leurs terres plus de 700 000 Palestiniens. Ceux qui vivent aujourd’hui à Gaza sont pour beaucoup les descendants des victimes de ce qui fut une véritable politique de purification ethnique.

Une partie des fondateurs d’Israël étaient issus du mouvement socialiste. Mais au fil des années, les partis de la gauche dite socialiste ont soutenu toutes les guerres menées contre les Palestiniens. Longtemps dominante dans la vie politique israélienne, la gauche n’a cessé de s’affaiblir au profit des courants ultranationalistes et religieux.

Lors des élections législatives de novembre 2022, la gauche a connu une véritable débâcle, tandis que les partis ultra nationalistes progressaient. Alors la colonisation de la Cisjordanie s’est accélérée, avec le soutien de l’État et de l’armée.

Netanyahou a été confronté à une importante mobilisation contre sa réforme du système judiciaire, qui réduit les pouvoirs de la Cour suprême, souvent apparue comme un contre-pouvoir face à l’extrême droite. Mais cette opposition à Netanyahou n’a pas remis en cause la politique de l’État vis-à-vis des Palestiniens.

L’attaque du Hamas du 7 octobre, avec ses 1 400 morts et 200 otages, dans un premier temps du moins, a anéanti l’opposition à Netanyahou et donné plus de poids aux colons et militaires les plus anti palestiniens. L’éradication du Hamas de Gaza sous un bombardement terroriste continuel, couvre la tentative de soumettre totalement la population de Gaza, voire de faire fuir le maximum d’habitants vers les pays voisins… si ces pays les acceptent!

Le cynisme des dirigeants arabes

Les dirigeants arabes, pas plus l’Égyptien al-Sissi que les autres, ne veulent accueillir plus de Palestiniens sur leur sol. S’ils s’affirment défenseurs de la cause palestinienne, ils ne veulent pas pour autant prendre en charge un peuple qui ne cesse d’exiger son droit à l’existence.

Les mobilisations des réfugiés palestiniens, comme celle de Jordanie écrasée en 1970 par le pouvoir jordanien lors du Septembre noir, ou comme celle des réfugiés du Liban quelques années plus tard, sont dans les mémoires de tous ces dictateurs.

S’ils étaient accueillis, les Palestiniens pourraient faire cause commune avec les exploités d’Egypte, de Jordanie, du Liban, d’Arabie Saoudites, etc. C’est ce que craignent les dirigeants arabes, qui, comme leurs homologues impérialistes, redoutent par-dessus-tout de voir leur domination contestée par de grands mouvements populaires.

Leur attitude face à la population palestinienne, tout comme vis-à-vis de leur propre population, montre à quel camp ils appartiennent vraiment: au camp des exploiteurs.

Biden couvre Israël

Mercredi 18 octobre, le président américain Joe Biden a rencontré le Premier ministre israélien à Tel-Aviv, pour l’assurer de son soutien. Jusqu’à présent, les États-Unis, principal soutien militaire et financier d’Israël, ont refusé de faire la moindre pression sur les dirigeants israéliens pour un cessez-le-feu.

Et depuis son retour aux USA, Biden réclame que soit voté un nouveau budget de plus de 100 milliards de dollars pour soutenir les guerres en Ukraine et en Israël, autant de moyens pour alimenter ces foyers de violences.

La principale préoccupation des dirigeants impérialistes n’est pas le sort des Palestiniens, ni même des Israéliens, mais surtout que les exactions israéliennes ne débouchent pas sur un conflit régional ou un embrasement de toute la région. D’ailleurs, les États-Unis ont déjà envoyé en Méditerranée orientale des forces navales et aériennes considérables, pour faire comprendre aux pays arabes que, si le langage diplomatique ne suffit pas, ils peuvent recourir à celui des armes.