Malgré plusieurs journées de mobilisation avec à chaque fois des millions de manifestants dans la rue, Sarkozy a quand même promulgué la loi sur l’allongement des années de cotisation pour les retraites.
Les travailleurs français n’ont pas réussi à faire reculer le gouvernement et le patronat, pas encore. Mais ils ont réussi à se faire respecter, à enfin rendre les coups, et ils ont gagné en conscience, ce qui est un gage pour les luttes à venir.
Oui, le gouvernement de Sarkozy si méprisant vis-à-vis des travailleurs et si servile vis-à-vis des riches a dû ravaler son arrogance et faire passer sa loi presque en catimini, avec une procédure d’urgence au Parlement.
Pourquoi ? Parce que pendant deux mois, chaque semaine, parfois deux fois par semaine, le pays a été le théâtre de centaines de manifestations. Jeunes et vieux, actifs et retraités, travailleurs du public et du privé, syndiqués et non syndiqués, français et immigrés, se sont retrouvés au coude à coude des semaines durant, par millions, pour rappeler au gouvernement qu’il a eu bien tort d’enterrer la combativité ouvrière.
Pendant deux mois se sont succédé les grèves, longues ou courtes, les débrayages, les journées d’action, les blocages. De la grande grève des raffineries de pétrole ou des transports jusqu’aux petites succursales d’agences bancaires sans personnel parti manifester, le mouvement a touché à un degré ou un autre toutes les catégories qui composent le monde du travail.
Pendant deux mois, les plus petites villes de France ont vu des manifestations qu’elles n’avaient jamais connues, avec des familles entières de travailleurs qui descendaient dans les rues pour la première fois.
Pendant deux mois, dans les ateliers, dans les bureaux, dans bien des écoles, dans les transports en commun, dans les cafés, on n’a parlé que de ça. Dans les quartiers populaires, il y avait ceux qui participaient au mouvement, et puis il y avait ceux qui les soutenaient. Et c’est tout. Parce que les rares qui étaient encore favorables à Sarkozy et à sa politique n’osaient pas ouvrir la bouche, et c’est tant mieux. Pendant deux mois, c’est le monde du travail tout entier qui a été solidaire de ce mouvement.
Les centrales syndicales ont joué un rôle majeur dans ce mouvement. C’est leur choix d’appeler à des manifestations successives, annoncées à l’avance, qui a permis au mouvement de se développer.
C’est d’autant plus notable que les directions syndicales en France ne se distinguent vraiment pas des nôtres ! Depuis longtemps en effet, les dirigeants syndicaux cherchent à apparaître comme des « partenaires responsables » dont l’objectif est de s’asseoir à une table de négociation avec patronat et gouvernement.
Sauf que le gouvernement de Sarkozy, pour sa réforme des retraites, a décidé de ne même pas inviter les syndicats à discuter, de ne même pas faire semblant de négocier en bavardant autour d’un tapis vert. Puisque Sarkozy jugeait inutile de discuter avec les syndicats, les syndicats devaient prouver à Sarkozy qu’il avait tort, prouver qu’ils étaient encore capables de lui mettre des bâtons dans les roues.
L’objectif des dirigeants syndicaux se limitait cependant à convaincre gouvernement et patronat de les réinviter à la table et ils prenaient bien soin de limiter la revendication à une seule mesure parmi des centaines d’autres que les patrons et le gouvernement prennent contre les travailleurs.
Mais les dirigeants syndicaux ont ouvert les vannes. Car le monde du travail, pour la première fois depuis bien longtemps, a relevé la tête. Cela fait depuis 1968 qu’il n’y avait plus eu de mouvement de grève en France qui s’adresse à l’ensemble des travailleurs et non pas à une catégorie particulière. Ce mouvement collectif a montré quelle pouvait être la force des travailleurs. Les travailleurs ont redécouvert ce que signifient les mots « unité des travailleurs » et « solidarité ». C’est déjà, en soi, une victoire, riche d’enseignements et d’espoir pour l’avenir.
Pour un avenir notamment, où les travailleurs, ayant retrouvé la confiance en leurs capacités de lutte, ne se limiteront plus aux objectifs minimaux des dirigeants syndicalistes, mais défieront le pouvoir de leurs exploiteurs et voudront imposer d’autres lois que celles du profit à tout prix !
Ce mouvement a rappelé qu’il n’est pas vain d’espérer et de préparer un mouvement de l’ensemble des travailleurs. C’est la seule perspective qui nous permettra de nous défendre contre les attaques qui pleuvent dans tous les pays pour nous faire payer leur crise.
Bien des travailleurs ont fait, pendant ce mouvement, leur première expérience de lutte. Ce ne sera certainement pas la dernière, ni pour eux, ni pour nous ici en Belgique, ni pour les travailleurs dans d’autres pays.