Décès d’un porte-flingue de la bourgeoisie

Claude Desseille, discret représentant de la bourgeoisie belge, est décédé à 81 ans. Son parcours tentaculaire est révélateur d’une classe sociale organisée, exerçant son pouvoir à travers l’État, et y prenant sa place quand c’est nécessaire.

Né en 1941, il commence sa carrière dans l’Assurance, repéré pour ses capacités de gestionnaires, comprenez : il trouve de nouvelles manières de vendre des assurances et d’enrichir les actionnaires du groupe. À partir des années 1980, il est au conseil d’administration de l’assureur Winterthur, organisant des fusions et acquisitions avec d’autres groupes, licenciant chaque fois des travailleurs : “Dans une fusion, il y a toujours des doublons” déclare-t-il alors, méprisant.

Au même moment, il se lie avec Albert Frère, le capitaliste le plus riche de Belgique à l’époque. Il fera de nombreuses affaires avec lui, mais sans laisser de traces : “Entre nous, il n’y a jamais eu de papier signé”, affirme-t-il dans une interview. Quelle complicité entre ces deux-là… pour mieux faire les poches des travailleurs !

Il donne régulièrement son avis dans la presse patronale comme dans l’Echo dont il fait partie de la direction. Dès 1994, il y affirme que le système des pensions ne serait plus compatible avec le vieillissement des travailleurs. Il appelle à reculer l’âge de la pension, mais aussi à faire passer les pensions par des assurances pensions privées.

Il préside au début des années 2000 l’organisation patronale des assurances Assuralia, d’où il empêche toute hausse de salaire dans le secteur de l’assurance et exige une baisse des taxes sur les primes d’assurance. À partir de 2006, il rentre à l’Union des Entreprises de Bruxelles d’où il s’assure des cadeaux fiscaux importants de la région vers les entreprises bruxelloises.

Pour le récompenser, le roi l’anobli en 2005 qui lui décerne le titre de chevalier. Il faut dire que le roi, membre incontournable de la bourgeoisie, reconnaît ses pairs et sait les récompenser pour leurs croisades… contre les travailleurs !

Ses activités lui permettent de s’enrichir et d’élargir son influence au-delà des assurances. Très secret et habitué des intrigues financières, il est difficile de connaître précisément sa fortune, mais on le retrouve au conseil d’administration de Brussels Airlines, Ethias, NRB, ou parmi les plus importants promoteurs immobiliers de Belgique comme Allfin, WEB, ou Moury.

En 2008, la crise touche de plein fouet le secteur des banques et des assurances. Claude Desseille, en rapprochant les deux secteurs, fait partie de ceux qui auront facilité et aggravé la crise. L’assureur Ethias est particulièrement touché et il lui manque 1,5 milliard d’euros pour éviter la faillite. Les régions et le gouvernement belge accepteront de payer la note à condition d’envoyer un de leur représentant au Conseil d’administration. Ce représentant ne sera nul autre que… Claude Desseille lui-même ! Il profitera de cette position pour liquider les derniers vestiges mutualistes d’Ethias, qui limitait encore les possibilités d’investissements privés. Il la transforme en une entreprise capitaliste tout ce qu’il y a de plus classique… et de plus rentable !