Lors du décès de Jacques Boël, les médias n’ont évoqué que son rôle dans l’histoire de Delphine Boël, fille du roi Albert II. Mais Jacques Boël était avant tout le patriarche d’une des plus riches familles du pays et dont l’évolution est représentative de la transformation qu’a connu le capitalisme dans son ensemble.
En 1997, Jacques Boël, directeur des Usines Gustave Boël à La Louvière (UGB), finalise la revente de l’usine sidérurgique fondée en 1853 à un groupe hollandais, Koninklijke Hoogovens.
C’est l’aboutissement de deux restructurations qui ont supprimé près de 2 000 emplois, bloqué les salaires et imposé la sous-traitance dans de nombreux services. En 1999, Hoogovens revendra l’usine à Duferco, un groupe italo-suisse, avec la participation de la Région wallonne.
L’argent de la vente des usines Boël : UGB, Fafer, Glaverbel, …, est entièrement réinvesti dans des groupes financiers, dont le plus important est la Sofina. C’est cela qui est représentatif de l’évolution de la bourgeoisie mondiale et belge en particulier.
La finance présente l’avantage de pouvoir investir les capitaux facilement… et de les retirer tout aussi facilement, à la recherche du profit le plus élevé, sans courir les risques liés aux cycles industriels.
Les groupes financiers de la famille Boël ont, par exemple, pris des participations dans le secteur de l’alimentation (Danone), de la distribution (Colruyt, Delhaize), dans l’énergie (GDF Suez) mais aussi « la nouvelle économie » (Uber, Whatsapp) ou encore le secteur des Maisons de Repos et de Soins (Orpea).
Le lecteur, qui connaît les conditions de travail imposées dans ces secteurs, l’augmentation des prix de l’énergie et de l’alimentation, le scandale de la maltraitance du personnel et des pensionnaires chez Orpea, ne sera pas surpris d’apprendre que les groupes financiers de la famille Boël sont extrêmement rentables : d’une capitalisation de 2 milliards d’euros en 2005, ils ont atteint 7,63 milliards en 2019 et 9 milliards en 2021 !
Il est encore un autre aspect du fonctionnement des groupes financiers qu’il faut souligner. C’est le soutien des gouvernements dont ils bénéficient à toutes les étapes.
C’est avec l’aide du gouvernement wallon que les Boël ont pu retirer leurs capitaux de la sidérurgie pour les réorienter vers la finance, après avoir bénéficié des subsides et d’aides publiques durant des années. C’est encore l’argent public qui finance le profit des groupes privés comme Orpea. Cette complicité des gouvernements est facilitée par l’embauche de politiciens qui peuvent continuer une seconde carrière au service de ces familles capitalistes, comme l’ancien premier ministre Guy Verhofstadt, nommé administrateur de la Sofina en 2012.
Dans les conseils d’administration ou les réceptions au château, la famille royale et les ministres constituent l’entourage permanent des capitalistes, au point d’avoir parfois une descendance commune. Mais c’est sur le dos de l’exploitation des travailleurs que se bâtissent leurs fortunes et leurs carrières.