En Belgique, 13% des 10 milliards du plan de relance seront consacrés au secteur de la construction. En Wallonie, 240 millions sont prévus pour un millier de logements publics, 105 millions pour le prolongement du tram à Liège, 60 millions pour le métro de Charleroi, 2 milliards pour la rénovation des infrastructures routières. Et ce n’est que le début des projets d’investissement subsidiés par les pouvoirs publics.
Les patrons se réjouissent… et s’inquiètent. La Confédération wallonne du bâtiment évalue à 40 000 les embauches nécessaires pour les entreprises d’ici 2030. Où trouver ce personnel et comment le former sans débourser un sou ? Voilà un problème que le secrétaire d’état à la relance, Thomas Dermine (PS) a décidé de prendre à bras le corps.
Après des années d’austérité, qui ont réduit le budget des écoles techniques et professionnelles, il veut à présent que ces filières d’enseignement « puissent répondre aux besoins du secteur ». Le représentant de la Confédération du bâtiment, Francis Carnoy, approuve : « il faut lancer une nouvelle campagne de promotion auprès des jeunes ». Mais en même temps, il prévient : « on ne peut empêcher les entreprises d’engager des travailleurs détachés ». C’est-à-dire des travailleurs sous-payés, souvent sans droits, venant des pays plus pauvres.
Mains dans la main, patrons et ministres veulent assurer aux entreprises une offre suffisante de travailleurs qualifiés pour ne pas devoir augmenter les salaires face à la pénurie de main d’œuvre… tout en déversant l’argent public pour les capitalistes de la construction.
Le Forem, bureau de propagande des patrons du bâtiment :
L’administratrice générale du Forem, Marie-Kristine Vanbockestal, se désole « des idées reçues chez les jeunes qui voient la construction comme un secteur où les conditions de travail sont mauvaises. Ce secteur se modernise avec l’usage des appareils de levage sur les chantiers, la robotisation, mais il faut les faire connaître ».
L’Administratrice du Forem était-elle sur une autre planète ces dernières années ? Les patrons ont méthodiquement écrasé les salaires, démoli les conditions de travail en s’appuyant sur l’exploitation des travailleurs détachés venant de pays plus pauvres.
Aujourd’hui, alors que ces travailleurs sont encore confinés dans leur pays par le Covid, les grandes entreprises donneuses d’ordre organisent une sous-traitance en cascade qui imposent aux travailleurs du bâtiment des conditions qui semblent sorties du 19e siècle ! Des engins de levage, des robots ? Pourquoi investir dans ces moyens, si les sous-traitants peuvent faire exécuter le travail à dos d’hommes !
Le contrat de chantier :
En France, la loi a évolué pour étendre les « CDI de projet » au secteur du bâtiment : les contrats à durée indéterminée de chantier.
Il s’agit d’un contrat sans date de fin, pour permettre à l’employeur de s’adapter aux imprévus de la construction. A la fin du contrat, le travailleur est licencié sans indemnités.
La loi n’a prévu aucune protection particulière pour le salarié. Ce sont les conventions d’entreprises qui sont censées offrir quelques garanties, comme l’obligation pour l’employeur de proposer en priorité un autre chantier à son employé. En pratique, les entreprises ont les mains libres, car il leur est facile de contourner les conventions collectives via la sous-traitance.
En Belgique, il y a un équivalent au contrat de chantier, c’est le « contrat à objet nettement défini ». Le secteur de la construction y a fréquemment recours.