Georges-Louis Bouchez (MR) et Maxime Prévot (Engagés) ont dévoilé l’accord de gouvernement qu’ils ont conclu pour la Région wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est une déclaration de guerre à tous les travailleurs !
Celle-ci couche sur le papier non seulement les mesures d’austérité réclamées par la bourgeoisie depuis des mois, mais annonce aussi la multiplication des attaques contre les précaires, les chômeurs, les travailleurs de la fonction publique…
L’accord ne précise pas tous les détails du plan de combat du prochain gouvernement, mais son orientation est absolument claire : faire payer la crise aux travailleurs et à toute la population, au profit de la bourgeoisie, sous prétexte de réduire le déficit public.
Le déficit public comme prétexte
La réduction du déficit public n’est en fait qu’un prétexte à une politique de classe extrêmement brutale. Pour renflouer les caisses de l’Etat, et financer tous les services utiles à la population, l’argent ne manque pas sur les comptes en banque des millionnaires et milliardaires. Mais comme tous les politiciens de gouvernement de gauche et de droite, Bouchez et Prévot savent que leur rôle est de gérer les affaires communes de la bourgeoisie en son nom. Les gouvernements précédents ne faisaient pas autre chose quand ils creusaient, à coup de cadeaux au patronat, le déficit public financé par la dette… au plus grand bonheur des actionnaires des banques et des marchés financiers !
Mais aujourd’hui, face à la crise, la classe capitaliste réclame du gouvernement qu’il lui dégage les moyens de maintenir ses profits en redoublant les attaques contre la classe ouvrière.
Premièrement, les marchés financiers exigent que la population paye pour les dettes contractées par les politiciens au profit des entreprises.
Deuxièmement, le patronat veut une classe ouvrière précaire à qui il pourra imposer une exploitation encore plus féroce.
Troisièmement, la classe capitaliste réclame le passage à l’économie de guerre dont elle compte tirer profit.
Quatrièmement, les actionnaires veulent que l’argent public continue de couler vers leurs comptes en banque.
Voilà à quoi se résume le programme de Bouchez et Prévot.
La démagogie comme écran de fumé
Alors, pour détourner l’attention de ses intentions véritables, l’accord de gouvernement regorge d’os à ronger !
Réduction du nombre de ministres de 13 à 10, interdiction du smartphone à l’école primaire, remise en question des provinces, réduction de la taille des cabinets ministériels… Prévot est bien forcé de l’admettre « Cela ne va pas réduire le déficit de la Wallonie. La première vocation n’est pas budgétaire mais exemplative ! ». Un exemple de démagogie politicienne !
Les logements sociaux comme moyen de pression
La première cible des réformes annoncées par le gouvernement sont les travailleurs les plus précaires. Contre eux, le gouvernement entend utiliser les logements sociaux comme moyen de pression.
La Déclaration de Politique Régionale wallonne (DPR) prétend « rompre avec la politique actuelle du logement social à vie ». Précisément, le gouvernement entend durcir les conditions à remplir pour conserver son logement social. Les foyers populaires devront, non seulement payer les loyers rubis sur l’ongle et entretenir leur logement eux-mêmes, mais également démontrer un « comportement de vie adéquat » et des « efforts d’insertion sociale et professionnelle ». Entendez : vous perdrez votre logement si vos enfants sont accusés par la police, ou si vous n’acceptez pas le premier emploi sous-payé venu !
Et la DPR ne s’arrête pas là. Elle multiplie les mesures anti-pauvres en revenant par exemple sur le plafond des loyers à 20 % des revenus. Certains loyers pourraient alors être augmentés dès lors que le logement aura fait l’objet d’une rénovation énergétique, même s’il devient impayable pour ceux qui l’habitent !
Les enfants pauvres comme otages
D’abord le nouveau gouvernement prévoit le gel de l’indexation pour les contrats APE sous lesquels sont engagés beaucoup de travailleurs précaires mais essentiels pour faire fonctionner les écoles avec l’accueil extrascolaire, les crèches, etc.
Ensuite, des aides comme celles pour la gratuité des fournitures scolaires, ou des crèches, bien que souvent insuffisantes pour assurer une véritable gratuité, sont menacées.
Et finalement, pour augmenter encore plus la pression contre les chômeurs, le gouvernement prend les nouveau-nés en otage, et signe la fin de l’égalité pour les demandes de places dans les crèches, afin d’instaurer la priorité aux demandes de parents qui travaillent, qui postulent pour un emploi ou qui sont en formation. Comme si devoir garder les enfants à la maison allait faciliter la recherche d’emploi !
Les chômeurs comme armée de réserve
Mais prendre les logements et les enfants des chômeurs en otage ne suffit pas au MR et aux Engagés, et derrière eux à la bourgeoisie. Contre les chômeurs, la « main d’œuvre mobilisable » comme dit la DPR, les partis au gouvernement anticipent sur les mesures qu’ils attendent du gouvernement fédéral, auquel ils participeront. Déjà il est fait mention de la limitation des allocations chômage à deux ans.
Dans la DPR, les mots employés sont très clairs : « intensifier l’accompagnement des demandeurs d’emploi mobilisables » (augmenter les contrôles), « remettre le pied à l’étrier en contribuant par d’autres moyens à la vitalité de la société » (conditionner les allocations à un travail non rémunéré). Le gouvernement ouvre littéralement la chasse aux chômeurs : « une absence aux convocations, un refus ou un abandon de formation, une non-présentation à un entretien d’embauche, sans justification objective du demandeur d’emploi, doivent pouvoir faire l’objet systématiquement de l’activation d’un avertissement ou d’une sanction » !
Les malades de longue durée ne sont pas épargnés ! La DPR déclare « La Région collaborera avec le Gouvernement fédéral afin que chaque travailleur déclaré définitivement inapte par la médecine du travail s’inscrive dans un programme d’accompagnement par un acteur du secteur de l’emploi, en vue de sa réinsertion professionnelle. »
Toutes ces mesures n’ont d’autres objectifs que de forcer les travailleurs à accepter des emplois toujours plus précaires, toujours plus mal payés ! Elles augmenteront la concurrence entre travailleurs, ce qui, tant qu’il n’y a pas de lutte collective et massive, ne peut se traduire que par la dégradation des salaires et des conditions de travail de tous !
Cette politique qui accuse les travailleurs d’être responsable du chômage est d’autant plus révoltante que les coupes budgétaires prévues par le gouvernement dans les administrations publiques ne peuvent se traduire que par des pertes d’emplois, et donc, l’augmentation du chômage.
La fonction publique pressée comme un citron
En cela la DPR est très claire. Elle ne se satisfait pas d’annoncer un « choc » dans les services publics à coups de coupes budgétaires se comptant en dizaine de millions (comme pour la RTBF qui voit son budget réduit de plusieurs dizaines de millions d’euros et où il faut s’attendre à un plan de suppression d’emplois).
Non seulement, les moyens des administrations et des services publics vont diminuer drastiquement, mais les conditions de travail et de licenciement dans l’administration sont également directement menacées par un nouveau « cadre réglementaire ».
Le gouvernement veut par exemple mettre un terme au statut dans la fonction publique « à l’exception des fonctions d’autorité ».
Ainsi, tous les nouveaux engagés, comme les enseignants, ne seront plus nommés, mais recevront, à terme et dans le meilleur des cas, un CDI. Le but est de précariser les travailleurs de la fonction publique pour faciliter les licenciements et augmenter la pression et la charge de travail. A cette fin la DPR prévoit des évaluations et des contrôles « systématiques, réguliers et qui pourront être déclenchés à tout moment » et que ceux qui « dysfonctionnent, se révèlent en inadéquation avec leur poste ou ne prestent pas au niveau requis seront prioritairement réorientés ou, à défaut, il sera mis un terme à la relation de travail. »
Ainsi le gouvernement s’attaque aux chômeurs, en même temps qu’il prépare le terrain budgétaire et réglementaire des futurs licenciements et pertes d’emplois dans la fonction publique !
Les associations étranglées
Et ce ne sont pas seulement les précaires, les chômeurs, leurs enfants et les fonctionnaires qui sont directement attaqués. Visant les soutiens associatifs du PS et d’ Ecolo, tout autant qu’à réaliser des coupes budgétaires, le gouvernement prévoit aussi de revoir et de conditionner le financement des associations. Certes, bien des associations sont utilisées par les partis de gauche pour leur clientélisme, et s’assurer de soutien politique.
Mais bon nombre de ces associations, comme des écoles des devoirs, des associations de soutien aux migrants, … sont utiles aux travailleurs et participent à nourrir la vie sociale. Faute de moyens, certaines d’entre elles disparaîtront purement et simplement, renvoyant leurs salariés au chômage, et leurs usagers à l’abandon. Les autres seront mises au pas politiquement.
La petite-bourgeoisie comme bouclier
Le gouvernement se prépare donc à mener une politique pour la classe bourgeoise, dont les quelques mesures citées dans cet article ne sont qu’une petite partie. C’est une offensive directe contre tous les travailleurs, contre la classe ouvrière.
Alors, pour mener son offensive, le gouvernement a cherché à donner quelques gages à la petit-bourgeoisie pour tenter d’obtenir son soutien politique. C’est le sens des promesses de futures réductions des droits de succession, de simplification administrative, de diminution de la taxation pour le premier logement, d’avantages fiscaux à la rénovation des propriétés, ou encore de soutien des prix agricoles en cas de volatilité du marché mondial.
C’est encore le sens des dispositions qui visent directement à ouvrir des marchés pour la petite et moyenne bourgeoisie. Presque systématiquement, la DPR leur fait miroiter quelques profits là où elle s’attaque aux travailleurs.
Pénurie de logements sociaux : « le Gouvernement encouragera les propriétaires privés à mettre leurs biens en location, via les opérateurs immobiliers au sens du CWHD. ».
Remise à l’emploi des invalides ? Le gouvernement fait appel aux « Etablissements de travail adapté » où il est notable que des patrons exploitent férocement…
Mais qu’ils ne se laissent pas abuser par les promesses du gouvernement, dont certaines ne pourraient être réalisées que dans plusieurs années !
Les commerçants, les indépendants, les agriculteurs, les cadres, etc… payeront aussi pour cette politique qui ne profitera qu’à la grande bourgeoisie ! Déjà le nombre de faillites de petites entreprises augmente car les travailleurs s’appauvrissent et réduisent leur consommation !
La dégradation continuelle des conditions de vie et de travail des travailleurs ne résoudra aucune des contradictions du capitalisme, mais au contraire alimente encore plus la crise qui balayera l’ensemble des couches intermédiaires !
La généralisation de la guerre comme toile de fond
Le texte présenté par le MR et les Engagés n’évoque pas seulement la guerre au travers d’un vocabulaire martial, et de référence à la « situation internationale », mais est très clair sur le soutien apporté à la bourgeoisie qui veut profiter du passage à l’économie de guerre
« L’évolution du contexte géopolitique et de la dynamique de l’économie mondiale offrent des opportunités que la Wallonie doit saisir pleinement. »
Parmi les mesures proposées, on trouve notamment l’abandon du cadre réglementaire belge « relatif à l’importation, à l’exportation, au transit et au transfert d’armes civiles et de produits liés à la défense » au profit des règles européennes moins contraignantes.
Ainsi, pour ne « ne plus pénaliser les industriels wallons dans leurs exportations » le MR et les Engagés, faciliteront notamment aux entreprises d’armement de vendre leurs marchandises aux pires dictatures, qui les utiliseront en premier lieu contre leur propre population !
La bourgeoisie comme un jour de Noël
Devant tant de volonté de la servir, la bourgeoisie, au travers des organisations patronales, jubile !
Car Bouchez et Prévot ne lui promettent pas seulement de s’attaquer à la classe ouvrière, mais lui ouvrent aussi grand les cordons de la bourse de l’argent public ! Promesses d’investissements publics, de réforme fiscale à l’avantage des entreprises, de partenariats public-privés, de privatisation complète ou partielle d’entreprises rentables (comme La FN Herstal, les aéroports, etc.).
Bouchez et Prévot sont en première ligne de la défense des intérêts de la classe capitaliste. Leur programme est en fait le sien. Dans ses grandes lignes, la bourgeoisie aurait exigé que ce programme soit imposé par n’importe quel gouvernement, quelle que soit sa politique.
Si Bouchez et Prévot se distinguent, et peuvent aller plus loin que les précédents gouvernements dominés par le PS, c’est que contrairement au PS, la base électorale du MR et des Engagés est principalement petite bourgeoise. Mais qu’on ne s’y trompe pas, les uns comme les autres sont au service du même maître, et si ces mesures d’austérité déclenchaient une forte opposition, la bourgeoisie saurait faire appel au PS pour l’endiguer, voire la réprimer.
Alors, pour s’opposer à leur programme, pour s’opposer à la violence des attaques et de la crise, pour s’opposer à la course du monde capitaliste vers la guerre, c’est donc, elle, cette bourgeoisie arrogante qui jubile aujourd’hui, que les travailleurs doivent balayer.