Audi Forest : nos vies face aux profits capitalistes

Mardi 20 août, après 5 semaines de chômage et de vacances annuelles, les 3.000 travailleurs de l’usine Audi et des sous-traitants étaient appelés à un rassemblement par les syndicats, le premier depuis l’annonce de la restructuration d’ampleur pouvant aller jusqu’à la fermeture complète.
La première semaine, quelques dizaines ou centaines d’ouvriers s’étaient quand même regroupés de temps en temps, suite à des appels sur les réseaux sociaux.
Le 20 août, devant quelque 400 travailleurs, les permanents syndicaux ont lu leur discours du haut du premier étage du parking. Le ton se voulait combatif, mais ils ont aussi déclaré «il ne faut pas se faire d’illusions, des licenciements, il y en aura», acceptant par avance la soumission aux diktats des actionnaires.

À part une manifestation lointaine le 16 septembre, aucun rendez-vous pour s’organiser et se préparer à se défendre n’a été donné. Les travailleurs menacés de licenciement sont appelés à rester unis derrière les syndicats dans la seule perspective des négociations.
Que peut-il sortir de bon d’une négociation sans rapport de forces favorable aux travailleurs ? Pas grand-chose… ou même rien ! Et beaucoup de travailleurs le sentent. La direction d’Audi montre depuis des mois qu’elle n’a rien à faire des argumentations des directions syndicales, pas plus que des élus des partis politiques. Seuls comptent les profits des actionnaires !

Trois jours plus tard, vendredi 23 août, la direction d’Audi conviait le personnel à une assemblée. Non pas à l’usine, non ! Elle reste fermée, les travailleurs ne peuvent même pas y entrer pour aller aux toilettes. L’assemblée a eu lieu à Forest National, la salle de concert qui se trouve à proximité de l’usine, devant 1300 travailleurs. Quel accueil !
Un nombre impressionnant de policiers, les badges contrôlés, une fouille corporelle… les représentants des actionnaires craignent vraiment les ouvriers !
Beaucoup de travailleurs étaient choqués : «ils nous traitent comme des criminels, c’est honteux». Mais ils remarquaient aussi qu’en fait «ils ne veulent pas nous laisser entrer dans l’usine. Ils ont peur qu’on s’énerve».

Une minorité de travailleurs et de délégués avaient boycotté l’assemblée patronale et se sont rassemblés devant l’usine. «C’est ici que nous devons être. S’ils veulent nous parler, c’est à l’usine !».
À l’assemblée patronale, les directeurs et porte-paroles, accrochés à leurs pupitres, ont eu du mal à parler, sifflés et hués pendant de longues minutes. Leur blabla ne contenait aucune information nouvelle et quasiment chaque phrase était noyée dans des huées : «Traitres», «Voleurs»… Mais ils sont grassement payés pour servir de paratonnerre et protéger les milliards de profits des actionnaires.

CDI, sous-traitants et intérimaires : des divisions entretenues par la direction et par les syndicats

Une partie des travailleurs des firmes sous-traitantes présentes sur le site se sont réunis dès lundi 19 août devant l’entrée principale d’Audi.
Avec des salaires 30% en dessous de ceux d’Audi et des conditions d’exploitation souvent plus dures, les travailleurs sous-traitants savent qu’ils seront oubliés s’ils ne se font pas entendre.
Audi continue pour l’instant à payer les salaires, mais les travailleurs de la sous-traitance sont mis en chômage de force majeure. Cela signifie perdre 35% sur un salaire déjà insuffisant et la perspective de payer des impôts en plus, plus tard.
Leurs directions ne leur donnent aucune information, prétextant qu’elles-mêmes n’ont aucune connaissance de l’avenir d’Audi… ce qui est peut-être vrai ! Mais pourquoi ne continueraient-ils pas à payer les salaires en prenant sur les profits que leurs dirigeants ont accumulés, eux aussi, pendant des années sur le travail des ouvriers ?
Pour la réunion du personnel organisée par la direction d’Audi, l’accès était refusé aux sous-traitants.
Quant aux directions syndicales, si les permanents ont clamé l’unité avec les sous-traitants dans leurs discours, dans les faits, ils refusent même une réunion commune avec les délégués des sous-traitants.
Mais les travailleurs d’Audi qui ne veulent pas se laisser licencier sans se défendre trouveront chez les travailleurs de la sous-traitance les ouvriers les plus déterminés.

Les intérimaires

Les intérimaires ont déjà été licenciés en mars, et pour les négociateurs syndicaux, ils ne font plus partie du problème !
Or, les intérimaires licenciés, qu’ils soient d’Audi ou des sous-traitants, ont le même problème, en pire, que leurs collègues en CDI : sans salaire, on ne peut pas vivre !
Leur licenciement, chez Audi comme chez les sous-traitants, fait partie du plan de restructuration et de la stratégie de division de la direction. Pour les CDI dont le contrat n’est plus du tout «à durée indéterminée», accepter la division équivaut à se livrer pieds et poings liés à la volonté du patron.
Un petit groupe d’intérimaires licenciés chez les sous-traitants continue à se faire entendre avec la détermination de ne pas accepter l’injustice. Et cela d’autant plus qu’ils auraient déjà dû être sous CDI, mais que la direction n’a pas respecté les conventions collectives qu’elle avait pourtant signées.
Intérimaires, CDI, sous-traitants ou Audi, tous les travailleurs ont besoin de leur salaire. Et tous ont participé à remplir les poches des actionnaires des sous-traitants et du groupe VW qui a enregistré un nouveau profit record en 2023. C’est tous ensemble qu’on pourra les faire payer !