Audi Forest : faire payer les actionnaires !

Depuis mi-Août, la direction d’Audi Forest a entamé la procédure Renault après avoir annoncé son intention de fermer l’usine et de licencier des milliers d’ouvriers. Mardi 4 septembre, lors d’une réunion avec les syndicats, elle confirmait qu’aucun modèle n’était à attendre pour le site. Ce n’était pas une surprise, mais cela entérinait son intention de  fermer  l’usine.

Le lendemain de son annonce, la direction tentait de faire reprendre la production aux ouvriers. A 6h, les tôliers de l’équipe du matin sont arrivés à l’usine, mais à l’initiative des délégués syndicaux, ils ont décidé de ne pas reprendre le travail. A la sortie, ils étaient fiers d’avoir résisté à l’absurdité de la demande de la direction qui veut les faire produire après leur avoir annoncé que l’usine allait fermer !

La direction avait planifié une reprise par étape. Mercredi, tôlerie, jeudi peinture et vendredi montage. A la suite des tôliers, aucune équipe n’a repris le travail.

Vendredi 6 septembre, avec le retour des ouvriers du montage, c’était la première fois que tous étaient réunis à l’intérieur de l’usine depuis l’annonce de l’intention de fermeture. La direction n’était pas à son aise de voir autant d’ouvriers rassemblés sans qu’ils ne soient complètement absorbés par la production… Alors le management a annoncé aux travailleurs qu’ils pouvaient partir sans attendre, tout en étant payés. Quelques-uns sont restés jusqu’à la fin, mais en l’absence de tout autre perspective que celle de traîner à son poste à regarder sa montre, beaucoup ont préféré rentrer chez eux.

Cependant, entre collègues, les discussions allaient bon train et cela faisait du bien de se retrouver enfin ensemble pour discuter de la situation. 

Jusqu’à aujourd’hui aucune revendication n’a été clairement formulée, et les idées d’actions fourmillent dans toutes les têtes. Mais la seule manière d’y donner forme, et de construire l’unité dont chacun sait qu’elle est primordiale, c’est d’en discuter, de s’engueuler peut-être, et de décider ensemble des revendications et des actions !

Mais de cette discussion-là, les directions syndicales n’en veulent pas car elles craignent d’en perdre le contrôle. Elles disent que ça n’est pas le moment car « on est toujours dans la phase 1 de la loi Renault ». Mais en quoi cela empêche-t-il d’entamer la discussion entre ouvriers ? Comme si les directeurs et les actionnaires d’Audi ne discutaient pas entre eux de toutes les phases depuis des mois ! S’y refuser, c’est se condamner à l’impuissance. Pour les appareils syndicaux aussi c’est un véritable suicide, car avec chaque jour qui passe,  les patrons font la démonstration que l’époque où ils prennaient le temps de s’entendre avec les syndicats est bel et bien revolue. 

Dans les murs de l’usine, les délégations syndicales se donnent des airs combatifs, font plus ou moins voter la non-reprise du travail (mais sans organiser de véritable discussion), ont reçu le soutien de délégations syndicales allemande et américaine et ont mis la main sur les clefs de quelques centaines de voitures produites. Mais tant que ce ne sont pas les ouvriers eux-mêmes qui décident d’agir de concert, tout ça ne reste que des apparences sans force, et la direction le sait ! Ce qui l’amène à envisager de porter plainte pour récupérer les clefs. 

La seule perspective proposée par les directions syndicales est la manifestation du 16. Il ne faudra pas seulement y être nombreux, mais l’utiliser pour se faire entendre des millions de travailleurs qui suivent ce qui se passe chez Audi Bruxelles !

Les mots d’ordre syndicaux « pour la réindustrialisation » sont une impasse, d’autant plus que VW annonce des fermetures en Allemagne.

Mais cela n’empêche pas les ouvriers de Forest de s’adresser à tous les exploités à travers des pancartes, des slogans qui dénoncent l’exploitation vécue partout : les salaires trop bas, les charges de travail trop élevées, le fait d’être traités comme des numéros…

C’est comme cela que cette manifestation pourra être autre chose qu’un enterrement sans lendemain comme ce fut le cas lors des fermetures et restructurations de VW en 2006, Caterpillar en 2016… Mais qu’au contraire elle soit le début d’une lutte large qui pourra faire payer aux capitalistes les conséquences de leur crise ! 

Les travailleurs de la sous-traitance montrent le chemin

Depuis le lundi 26 août, un groupe de travailleurs des firmes sous-traitantes, et des intérimaires, campent devant l’entrée principale de l’usine Audi.

Si les travailleurs d’Audi, pour l’instant, ont leur salaire, les travailleurs de la sous-traitance ont été mis au chômage de « force majeure », qui tarde à être payé ! C’est dès la fin des congés annuels qu’ils se sont retrouvés dans des difficultés importantes, en pleine rentrée scolaire.

Pendant des années, ils ont sué dans la production de voitures. Sans leur travail, les voitures ne peuvent pas être produites. En réalité, les entreprises sous-traitantes ne sont que des ateliers de l’entreprise. Et pourtant, leurs salaires sont 30% plus bas que ceux chez Audi.

Perdre son travail, perdre son salaire déjà bien insuffisant, c’est une catastrophe, peu importe l’entête du contrat de travail ! Les travailleurs sont donc déterminés à se faire entendre !

En deux semaines, le « camping » s’est organisé. Le nombre de tentes a augmenté, des chaises, une table, des tonnelles sont arrivées. En journée, des voisins du quartier passent apporter croissants, café et boissons. En soirée, c’est la cagnotte pour le barbecue.

Ils ont réussi à sortir de l’invisibilité. Des journalistes sont passés, et même le directeur de l’usine s’est déplacé et leur a apporté des croissants pour leur faire quelques flatteries hypocrites et tenter de les convaincre de déménager ailleurs. Quant aux permanents syndicaux, qui depuis le départ ne voient pas le « camping du 201 » d’un bon œil, ils y sont finalement venus le vendredi 6 septembre… pour faire des interviews devant les tentes. Effectivement, des ouvriers mobilisés c’est beau !

Quelques travailleurs d’Audi passent aussi. Pour l’instant, ce n’est qu’en petit nombre. La combativité n’y est pas encore. Mais la conscience qu’il faut qu’on soit tous ensemble existe bel et bien. Et en fait, le « camping du 201 » est surtout le rendez-vous de tous ceux qui veulent s’organiser pour se donner les moyens d’agir, et ne pas attendre jusqu’à devoir constater, impuissant, que rien n’est sorti des négociations.

Oui, le combat va être long et dur. La direction d’Audi tente de faire reprendre le travail. Un premier ouvrier du camping a reçu son C4. La direction menace de porter plainte contre les syndicats qui ont mis de côté les clés de 200  véhicules déjà produits.

Mais au moins, au « camping du 201 », personne n’est seul face aux coups durs, et on peut réfléchir et décider des prochaines étapes ensemble.