Une société irrespirable !

Les partis politiques et les médias se sont emparés des incidents du week-end du 8 août entre la police et quelques dizaines de jeunes à Blankenberge pour en faire un problème de « jeunes délinquants bruxellois ». Les syndicats policiers et des députés de la N-VA ont qualifié ces jeunes de « racaille bruxelloise ».

Le ministre de l’intérieur, Pieter De Crem (CD&V), dans le plus pur style du Vlaams Belang, n’a pas hésité à leur emboîter le pas. Il a dénoncé « les groupes d’allochtones venus de Bruxelles, Charleroi, La Louvière » et proposé d’élargir les dispositions légales qui permettent aux bourgmestres d’interdire préventivement le territoire de leur commune à certains individus « en cas de crainte pour l’ordre public ».

Le weekend du 15 août, les bourgmestres de la côte ont obtenu que la SNCB limite l’offre de trains à « ceux qui habitent ou travaillent à la côte » pour écarter ceux que les bourgmestres appellent avec mépris « les touristes d’un jour ».

Face aux conséquences cumulées du rebond du virus et de la canicule, les bourgmestres des communes riches et les ministres imposent de fait aux familles les plus modestes de se re-confiner dans leurs quartiers, dans des appartements souvent petits et sans confort. Le comportement de la police, habituée à s’en prendre aux pauvres et pas aux riches, ne fait qu’appliquer ce choix politique.

Le 8 août à Blankenberge, la police est intervenue pour chasser les jeunes de la partie de la plage privatisée qu’ils avaient atteints en remontant avec la marée. Il n’y a pas beaucoup de plages en Belgique, mais en plus une partie de plus en plus grande est privatisée par des cafés et des restaurants ! Et la police est là pour faire respecter la propriété privée de ceux qui font des affaires et s’enrichissent.

Sur les plages, dans les parcs, les plaines de jeux, partout où les familles populaires viennent chercher de la fraîcheur et de l’espace, les incidents se multiplient, et elles se font chasser par la police. Une habitante de Gand a été si choquée par les méthodes brutales utilisées par la police pour expulser des jeunes d’une plaine de jeux qu’elle a déposé plainte « pour nettoyage ethnique ».

Des responsables de la police, comme à Blankenberge, reconnaissent eux-mêmes se baser sur la couleur de la peau pour faire du « profilage ».

Mais en réalité, ce sont toutes les catégories populaires qui subissent les décisions hypocrites et méprisantes des autorités, confrontées à la persistance de la pandémie. Début août, près de 100 000 PV pour non-respect des mesures Covid avaient déjà été dressés par la police, et cela continue ! Mais les patrons ne sont pas sanctionnés pour faire travailler des salariés dans des conditions qui ne respectent ni la distanciation, ni les mesures de précautions, ni les conditions de travail correctes.

Le contrôle du port du masque dans la Région de Bruxelles-Capitale, est poussé parfois jusqu’à l’absurde ! Mais ce contrôle zélé ne va pas jusqu’à passer la porte des entreprises où les patrons continuent de donner priorité à la production et au profit, au mépris de la sécurité des travailleurs.

Les quartiers populaires de Bruxelles, comme ceux d’Anvers ou Charleroi et de toutes les villes, sont transformés par la vague de chaleur en fours irrespirables. Où les jeunes, où les familles modestes sont-elles censées aller chercher de la fraîcheur ? Qui, parmi les politiciens, s’en soucie ? Qui a voté les plans d’austérité qui ont fermé les parcs, les centres de délassement, les piscines communales ?

Les riches, bien sûr, ne posent pas de problème d’ordre public. Que ce soit par rapport au virus ou à la chaleur, tout fonctionne pour satisfaire leur confort. C’est que, derrière les produits frais livrés à domicile, la berline confortable pour se rendre au bureau climatisé, la villa avec sa piscine, derrière les services de soins performants, il y a toujours les mains d’ouvriers, de maçons, de livreurs, nettoyeuses, infirmières…

Ce sont eux, et leurs enfants, qui sont ces « touristes d’un jour ». La société capitaliste, qui s’enfonce dans des crises économiques, sanitaire, climatique, leur conteste pourtant jusqu’au droit de respirer.

Alors il ne faudra pas s’étonner quand ces jeunes que la société contraint souvent au chômage ou aux petits boulots précaires et mal payés et à qui les nantis refusent même la possibilité de prendre l’air frais, se révolteront. Et ils auront bien raison !