Tunisie, Égypte : les exploités ont à lutter pour leurs propres intérêts

Après la Tunisie et l’Algérie, voilà l’Égypte qui s’embrase. La mobilisation populaire fait trembler des dictatures qui semblaient construites sur le roc. En Tunisie, elle a entraîné la fuite de Ben Ali.

Les dirigeants du monde impérialiste, qui ont protégé, financé, armé Ben Ali et Moubarak, ont lâché leur protégé en Tunisie et se préparent à le faire en Égypte, en se répandant en discours pour la démocratie. Les hypocrites salauds !

Pour les dirigeants politiques en Europe, de droite comme de gauche, Ben Ali était « notre ami », celui qui préservait si bien les intérêts des groupes capitalistes européens. Encore en 2010, l’eurodéputé et ex-ministre belge des affaires étrangères et ex-commissaire au développement, Louis Michel, louait par exemple la Tunisie de Ben Ali, « un partenaire clé pour l’U.E. dans le monde arabe »

Mais le mouvement populaire a été assez fort pour que les puissances impérialistes conseillent à Ben Ali de partir en Arabie saoudite, en lui assurant le vivre et le couvert avec une luxueuse villa, sans parler de la liberté de disposer d’une tonne et demie d’or volé à l’État par sa femme.

Pour Moubarak, et pour l’heure, les puissances impérialistes laissent un délai, en raison du rôle stratégique joué par le régime égyptien au Moyen-Orient..

Ce que la grande bourgeoisie des pays impérialistes et ses conseillers politiques et militaires craignent, c’est que le mouvement engagé s’approfondisse et que les masses pauvres entraînées ne se satisfassent pas d’une relève des dirigeants politiques et finissent par se battre pour leurs propres exigences, à commencer par le travail et le pain. Ils savent trop bien que toute cette région est une poudrière, tant est grande la misère de la majorité de la population et insupportables les inégalités croissantes entre les classes exploitées et la classe privilégiée. Les dirigeants politiques leur servent de fusibles. Les grandes puissances protègent les pires dictateurs tant qu’ils parviennent à ligoter leurs peuples. Lorsqu’ils n’en sont plus capables, ils sont utilisés comme boucs émissaires.

En Tunisie comme en Égypte, les dirigeants du monde impérialiste sont à la recherche fiévreuse d’une solution de rechange susceptible d’arrêter le mouvement des masses avant que celles-ci parviennent à la conscience que, derrière la personne du dictateur, il y a l’appareil d’État, l’armée avant tout, et derrière l’État la classe privilégiée elle-même, la bourgeoisie locale, mais plus encore la bourgeoisie impérialiste.

Il est difficile de savoir si les masses soulevées ont suffisamment d’énergie pour pousser plus loin et s’en prendre à ceux qui tirent les ficelles.

La classe ouvrière de ces deux pays a, bien sûr, intérêt à participer le plus massivement possible à ce mouvement pour les libertés et les droits démocratiques. Mais elle a intérêt à y participer avec ses propres objectifs, en n’hésitant pas à mettre en avant ses revendications de classe. Même pour imposer les droits démocratiques, les libertés publiques, il est indispensable que les exploités restent mobilisés, se méfient de tous les postulants au pouvoir, et pas seulement de ceux qui étaient trop liés au dictateur déchu, les surveillent, les contrôlent. Les mots « liberté » et « démocratie » n’ont pas la même signification pour les masses opprimées et pour Obama, Sarkozy et leurs semblables. Ces derniers se satisferont d’un régime parlementaire en haut et d’oppression des pauvres en bas. Ils laisseront les classes pauvres croupir dans la misère alors que la classe privilégiée s’enrichit de cette misère.

Les exploités mis en mouvement ont intérêt à se méfier de l’armée qui, en Égypte, se pose en arbitre de la situation. Oh, les manifestants ont mille fois raison de fraterniser avec les soldats du rang qui sont issus du peuple ! Mais, pour les attirer de leur côté, il faut les opposer aux généraux, à la hiérarchie militaire, liés corps et âme à la bourgeoisie et qui ont été les piliers du pouvoir de Moubarak. Si l’état-major de l’armée choisit aujourd’hui de ne pas faire tirer sur les manifestants, c’est pour préserver son rôle d’arbitre, afin de pouvoir tirer demain.

Alors, il est indispensable pour les exploités de Tunisie et d’Égypte que le prolétariat industriel, qui est au cœur de la production capitaliste là-bas comme ici, se mette en mouvement, s’organise pour en devenir la force principale. Quand bien même l’énergie des masses se révélerait puissante, il faudra que les classes exploitées prennent conscience de leurs propres intérêts et se méfient des faux amis qui, en brandissant les mots « unité nationale », voire « démocratie », voudraient les faire taire. C’est la seule voie pour les classes exploitées d’imposer leur droit à la vie.