La sordide réalité derrière les fleurons du capitalisme belge

Des entreprises gavées d’aides en tout genre, un personnel férocement exploité, des accidents à répétition, des agriculteurs esclaves de contrats léonins, les riverains victimes des nuisances et de la pollution : tel est le tableau que dresse l’émission Investigation de la RTBF « La frite surgelée, un univers impitoyable » sur l’industrie de la transformation de la pomme de terre.

Mais loin d’être une anomalie due à une croissance excessive et trop rapide, ce que montre à voir ce reportage, c’est le fonctionnement normal du capitalisme dont la seule religion est celle du profit. Et que le patron et les actionnaires soient flamand, wallon, français ou chinois n’y change rien.  La Région wallonne est d’ailleurs actionnaire via la SRIW à hauteur de 20% d’une des quatre entreprises installées en Wallonie.

Derrière les 3 milliards de chiffre d’affaires annuel des entreprises Mydibel, Clarebout, EcoFrost et Lutosa se trouvent quelques familles, comme les Clarebout, Mylle et Hofflack, parmi les plus riches de Belgique. Ces familles ont, en trente ans, multiplié le chiffre d’affaires de leurs entreprises par 10.  Une success story faite sur l’exploitation et parfois la vie des travailleurs. Dans des usines gigantesques aux machines automatisées dernier cri qui, en une heure de temps, transforment 20 tonnes de pommes de terre en frites surgelées, les conditions de travail sont dignes du 19ème siècle. Les sols sont glissants ou jonchés de frites, l’eau s’infiltre par les toits et tombe sur les installations électriques. Et comme la production doit sortir coûte que coûte, les situations dangereuses ne manquent pas.

Entre 2015 et 2019, 2800 accidents de travail y sont survenus soit 11% de tous les accidents du travail de l’agro-alimentaire. Des travailleurs ont été gravement brûlés, d’autres ont eu leur main écrasée. Deux travailleurs y ont trouvé la mort. En 2016, une ouvrière intérimaire était emportée par un tapis roulant dans l’usine de Nieuwkerke. En 2017, un travailleur était écrasé par le contrepoids d’un ascenseur à Warneton. Bien que Clarebout ait fait l’objet de 19 enquêtes judiciaires et Mydibel de 8, la plupart des dossiers ont été clôturés sans suite.

Les agriculteurs sont eux aussi mis sous pression. Les contrats les obligent à travailler, quelles que soient les conditions, car ils sont tenus par les délais de livraison et les quantités promises. Si l’agriculteur ne peut pas fournir les tonnes reprises au contrat, les entreprises peuvent acheter les quantités manquantes au frais de l’agriculteur ! Rien n’est laissé au hasard par ces géants de la frite avides de profits, et bien sûr certainement pas la vache à lait que constituent les aides publiques. En la matière Clarebout est champion avec une moisson de pas moins de 26 millions d’euros reçus de la Région wallonne depuis son implantation en Wallonie. Bref, le capitalisme dans tout ce qu’il a de plus révoltant.