La fragilité du système de soins et ses responsables

Dans les unités de soins intensifs, on gère la pénurie des moyens au jour le jour. L’infirmière-chef distribue les masques disponibles. Un par jour par infirmière, pour une journée qui va durer bien plus que 8 heures. Les médecins ont droit au double (ce qui reste insuffisant), les nettoyeuses à la moitié, malgré le risque tout aussi présent. On compte déjà les premiers morts parmi le personnel de la santé, dont une infirmière de 30 ans !

Pour faire face à l’afflux des prochains malades, on crée dans l’urgence de nouvelles unités de soins intensifs en renvoyant les autres malades à la maison et en fermant les autres services. Certaines directions d’établissements, comme à Gand, ont préparé des instructions aux médecins : pas de respirateurs artificiels pour les personnes âgées infirmes ou présentant des troubles mentaux, ou incapables de se passer d’une assistance extérieure. Cet abandon s’appelle « un choix éthique ».

Oui, les hôpitaux et le personnel soignant gèrent la pénurie. Mais qui en est responsable ? La presse a révélé que la ministre de la santé, Maggie De Block (Open VLD), n’avait pas renouvelé le stock stratégique de 2 millions de masques FFP2 périmés. Le gouvernement était à la recherche de millions d’euros pour réduire son déficit… les masques en ont fait les frais.

Et il y a aussi la pénurie de lits, de médecins, d’infirmières, d’aides soignants. Et cela, c’est de la responsabilité de tous les partis politiques qui ont participé au pouvoir ces dernières décennies. Ils ont privilégié les cadeaux aux banques et aux entreprises plutôt que les services utiles à la population.

Depuis 1986, 25 000 lits agréés ont été supprimés. Et le nombre d’hôpitaux capables de traiter des pathologies graves est passé de 350 à 98 en 25 ans. En 2005, c’est le ministre socialiste Rudy Demotte qui a mis en en oeuvre le numerus clausus qui limite le nombre de médecins ayant le droit d’exercer en Belgique. Résultat, alors qu’ils étaient 5 pour 1000 habitants au début des années ’90, ils ne sont plus que 3 pour 1000 depuis, malgré le vieillissement de la population, qui augmente les besoins de soins et de prises en charge.

L’austérité dans les soins de santé a largement dépassé les limites du supportable pour le personnel et les malades. Mais les ministres gardent leur portefeuille grand ouvert pour les capitalistes du secteur. Comme GSK, dont les actionnaires amassent des fortunes grâce aux prix des médicaments négociés en secret avec le ministre de la santé. Et, que la ministre s’appelle Maggie De Block ou Laurette Onkelinkx, ne change rien à la bonne marche des affaires. Le PS a occupé ce fauteuil ministériel de 1988 à 2014, avec une courte interruption de 1999 à 2003 où le ministre était de Groen (Agalev). Du reste, GSK peut aussi compter sur les dizaines de millions € de subventions publiques, du plan Marshall pour la Wallonie, conçu par le socialiste Jean-Claude Marcourt.

Mais aussi riches et grassement rétribués que sont les groupes pharmaceutiques et du matériel médical, ils ont dû faire de la place à un nouvel arrivant à l’appétit sans limite : les fonds financiers. Qu’ils soient européens ou américains, ces fonds sont très intéressés par la privatisation des soins de santés, des couvertures mutuelles bien sur, mais aussi des ensembles hospitaliers.

Pour préparer le terrain, le gouvernement Michel a lancé en 2017 « la réforme hospitalière ». Les financements des « petits » hôpitaux, c’est à dire ceux qui sont géographiquement les plus accessibles, ont été réduits, voire coupés, pour les forcer à adhérer à l’un des 25 groupes hospitaliers que compte désormais le pays. L’association des médecins, l’Absym, évalue que cette réforme va entraîner la fermeture d’un hôpital sur 6 et la suppression de 4000 lits supplémentaires.

Dans ces groupes hospitaliers en voie de privatisation, le travail des soignants est soumis aux mêmes règles que dans le secteur privé : il faut être “rentable”, il faut faire du chiffre. Le nombre de patients à suivre par infirmière augmente, comme le nombre de voitures à produire par un ouvrier sur les chaînes d’assemblage. Il faut réduire au minimum le temps d’occupation des lits. Dans les maternités par exemple, la durée moyenne du séjour à été réduite de 4 jours dans les années ’90 à 1,8 jours en moyenne.
Oui, avant de devenir les fantassins de la “guerre contre le virus”, les personnels de la santé étaient déjà des prolétaires à exploiter !

Ces groupes hospitaliers sont mis en concurrence, ils rivalisent en investissant dans du matériel dernier cri qui doit rapporter des prestations lucratives. Dans la région de Mons Borinage, le groupe Jolimont et le groupe Ambroise Paré ont ainsi chacun leur IRM… à quelques kilomètres de distance. Mais aucun de ces groupes n’a actuellement assez de masques, de combinaisons de protections, de laboratoires de test, ni de respirateurs.
Aujourd’hui, des malades et des soignants sont en insécurité face à la pandémie, à cause de ces choix des gouvernements au service du profit des capitalistes.
Les actionnaires comptent leur milliards, nous comptons nos morts ! Oui, c’est une guerre. Une guerre qu’il faut mener pas seulement contre un virus ! Mais contre le système capitaliste qui en aggrave considérablement les conséquences.