Le véritable enjeu des mobilisations ouvrières : la démocratie ouvrière

Bien des travailleurs regardent vers la France, ses grèves et ses manifestations contre la réforme des retraites que veut imposer le gouvernement Macron. Le 5 décembre, à l’appel d’une partie des syndicats, entre 800.000 et 1.500.000 manifestants ont défilé dans les rues. A la SNCF, à la RATP et dans une partie des écoles, une grève massive dure depuis 12 jours.

La réforme des retraites est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. C’est la mesure de trop qui s’ajoute aux salaires bloqués, aux primes rognées, aux sous-effectifs et aux menaces de licenciement. Les journées des 5, 10 et 12 décembre ont aussi mobilisé toutes les catégories de salariés : travailleurs du privé ou du public, des petites ou grandes entreprises du commerce, de la métallurgie, de l’agroalimentaire, de la chimie ou de l’automobile… Ce que ces manifestants ont exprimé, c’est la nécessité de se battre tous ensemble.

Face à cette large mobilisation, le gouvernement Macron, hier si arrogant, est aujourd’hui visiblement sous pression.

Alors que les salaires des fonctionnaires sont bloqués depuis près de dix ans, il promet soudainement des augmentations aux enseignants… pour dans 1 an. Mais Macron ne s’est pas transformé en Père Noël, il essaye de morceler le mouvement et il tend des perches pour attirer les directions syndicales à la table de négociation.

Le bras de fer est donc commencé. Les centaines de milliers de travailleurs entrés dans la mobilisation auront bien des difficultés à surmonter, bien des pièges à déjouer. Et celui de voir des dirigeants syndicaux cesser de soutenir la mobilisation à la moindre possibilité d’un accord bidon n’en est pas le moindre !

Il est donc important que chacun soit le plus impliqué possible. C’est pour cette raison que l’organisation démocratique de la grève est indispensable. Dans les assemblées générales où tous peuvent prendre la parole et où toutes les actions sont votées à main levée, les travailleurs peuvent se forger collectivement une opinion, décider la continuation de la grève et des actions à mener.

Pour que cette démocratie soit complète et réelle, les assemblées de grévistes ne doivent pas seulement voter des décisions. Elles doivent aussi se donner les moyens de les mettre en œuvre. Dans quelques secteurs, notamment à la SNCF et la RATP, des travailleurs ont élu leur comité de grève qui organisent ce qui a été décidé par les assemblées et sous le contrôle de celles-ci.

Cela a déjà permis de voir dans les manifestations des pancartes décidées et fabriquées par les travailleurs eux-mêmes, d’organiser des visites à d’autres entreprises pour discuter de la grève entre travailleurs de différents secteurs. Ce fonctionnement démocratique de la grève permet aux travailleurs d’agir collectivement et de gagner confiance dans leurs propres capacités.

Même si ce mouvement ne devait pas atteindre le rapport de force nécessaire pour le retrait pur et simple de la réforme, ces grévistes auront au moins gagné cette expérience. Ils en seront bien mieux armés pour les luttes à venir.

Un large développement de cette organisation démocratique de la grève est la condition pour continuer le mouvement, même quand les dirigeants syndicaux seront prêts à le brader contre des miettes, comme on l’a si souvent vu.

Faire vivre la démocratie ouvrière, est une lutte dans la lutte. En France comme ici, c’est précisément cette prise de contrôle de leurs luttes par les travailleurs eux-mêmes que les dirigeants syndicaux craignent le plus. Effectivement si les travailleurs dirigent eux-mêmes leurs luttes contre le patronat, les permanents perdront leur place privilégiée d’avocat, de négociateur, d’intermédiaire… C’est pour cette raison que les appareils syndicaux ont remplacé les débats par des monologues, les revendications décidées collectivement et les calicots par des pétards. Les bureaucrates syndicaux font en sorte que, même en grève, les travailleurs restent à la place qui leur est assignée dans le système capitaliste : celui d’exécutant qui ne doit pas penser par lui-même, mais obéir aux chefs.

Renouer avec la démocratie ouvrière c’est la condition pour que puisse se développer l’immense potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière ! Et c’est ce que nous avons d’ores et déjà à apprendre du mouvement en France. Car chez nous aussi, tôt ou tard, une mesure de trop fera déborder le vase.