Le travail « faisable » passe par la lutte contre l’exploitation

A écouter le ministre de l’emploi Kris Peeters présenter sa table ronde du « travail faisable », on se serait cru dans un conte de fée. Choisir plus librement ses horaires de travail pour concilier travail et vie de famille, réduire son temps de travail quand on est plus âgé, gagner plus au moment de sa vie où on en a le plus besoin, prévenir le stress et le burnout… tout y est rose, tout y est beau, le premier souci des patrons serait le bien-être des travailleurs, et leurs ministres de l’emploi ne travailleraient que pour cela… Mais qui pensent-ils pouvoir tromper avec ça ?!

Ce que ces belles paroles deviennent dans la réalité, tous les travailleurs le savent. La réalité c’est un contrat d’intérim qui peut être terminé à chaque instant et le seul « aménagement du travail » c’est le SMS pour vous dire où vous devez pointer le lendemain. C’est travailler dans une entreprise qui a tellement supprimé d’emplois qu’il y a personne pour vous remplacer quand vous essayez de prendre les congés auxquels vous avez droit ou quand vous êtes malade ; c’est une retraite rabotée par des années de chômage…

En effet, les travailleurs n’ont aucune raison de croire ce gouvernement lorsqu’il met le costume du bienfaiteur des travailleurs, alors que son premier acte a été d’augmenter l’âge de la retraite à 67 ans et d’annoncer un saut d’index.

Pouvoir aménager son temps de travail en fin de carrière signifiera renoncer à une part de son salaire… et de sa pension. Avoir un salaire plus élevé à 30 ans signifie que les salaires des plus anciens baissent parce qu’ils n’augmenteront plus avec l’âge et l’ancienneté, mais en fonction de la « performance ». La flexibilité du temps de travail bénéficiera surtout aux employeurs, pas aux salariés.

Mais derrière cette « individualisation du contrat de travail », ce que veulent imposer les patrons et les gouvernements à leur service, c’est la suppression des quelques droits et minima que les travailleurs ont conquis au fil des luttes du passé. Salaires, conditions de travail, retraites, doivent redevenir des sujets de négociations individuels entre le travailleur et le patron… comme au 19ème siècle, avant que les travailleurs s’organisent. Dans de telles négociations le rapport de force sera systématiquement du côté du patron.

Voilà le vrai enjeu que le gouvernement cherche à cacher derrière ses contes de fée.

C’est une nouvelle mouture du mensonge que les serviteurs du capitalisme – de la N-VA jusqu’au PS et aux dirigeants syndicaux adeptes de la « concertation sociale » – distillent depuis des décennies : que les intérêts des patrons et des travailleurs vont dans le même sens. Qu’il suffit de se mettre à une table et de bien parler ensemble pour que les patrons acceptent de prendre en compte les intérêts des travailleurs.

Mais pendant qu’ils se « concertaient », les entreprises et leurs gouvernements ont supprimé des centaines de milliers d’emplois et baissé les salaires par tous les moyens, en augmentant le rythme et le temps du travail, en rabotant les pensions, en introduisant le travail en intérim, en manipulant l’index, en privatisant les services publics… En un mot : ils ont aggravé l’exploitation. Et ils continuent à le faire à un rythme de plus en plus accélérée.

Car la réalité c’est que les profits des capitalistes viennent de l’exploitation de notre travail, que plus de profits pour les capitalistes, signifie plus d’exploitation pour les travailleurs. Et moins d’exploitation – avoir un travail qui permet de nourrir la famille et d’avoir le temps pour elle, pouvoir jouir de la vie, même à la retraite – signifie contraindre les patrons à renoncer à tout ou partie de leurs profits !

Oui, les intérêts des travailleurs et ceux des patrons sont diamétralement opposés, c’est leurs profits OU nos salaires !

La première chose serait donc d’imposer l’arrêt des licenciements et la répartition du travail entre tous. Oui, quand chacun aura un travail et un salaire correct, alors tout le monde travaillera moins. Ce n’est que sous cette condition que le travail pourrait devenir « faisable » ! Les moyens pour vivre et travailler correctement existent, mais ils se trouvent aujourd’hui dans les coffres des grands actionnaires des banques et entreprises.

Alors, pendant qu’ils nous racontent des histoires à endormir les enfants, préparons-nous à imposer une autre répartition des richesses et d’autres règles pour la société que la seule loi du profit !