Un système sans avenir

Jeudi 5 mai, 10.000 enseignants ont manifesté à Liège. La ministre de l’enseignement francophone, Simonet, veut en effet faire passer l’âge de la préretraite à 58 ans, au lieu de 55 ans actuellement. Et pour ce qui est des salaires, elle insulte les enseignants avec la promesse d’une augmentation de 10 euros (brut) par mois.

La manifestation était aussi l’occasion pour les enseignants de pointer tous les autres problèmes auxquels enseignants et élèves font face quotidiennement : classes surpeuplées, précarité croissante des jeunes enseignants, profs non remplacés, manque de matériel, bâtiments vétustes, chauffage en panne chronique, copies payées par les parents, si ce n’est pas le ou la prof qui les paye de sa poche… Les manuels achetés et prêtés gracieusement par les écoles font effectivement partie d’un passé si lointain que rares sont ceux qui s’en souviennent.

Et le problème n’est nullement cantonné à l’enseignement francophone. Profs et élèves flamands font face aux mêmes problèmes. Le cas de l’école de Pittem en Flandre occidentale où 50 enfants s’entassent dans une classe de maternelle, n’est pas un cas isolé. En avril, 1500 enseignants faisaient grève à Anvers pour protester contre le changement de statut des écoles communales qui revient à leur semi-privatisation. En 2009 et en 2010, le gouvernement flamand a diminué encore les dépenses pour l’enseignement de près de 200 millions d’euros.

C’est là le résultat catastrophique d’une austérité qui dure depuis plus de 30 ans.

Si en 1981, les dépenses pour l’enseignement représentaient plus de 7% du PIB (l’ensemble des richesses créées dans le pays), elles représentent moins de 5% aujourd’hui. A taux égal, l’enseignement devrait avoir, rien que pour cette année, quelques 8 milliards d’euros de plus. Assez pour augmenter les salaires, embaucher, rénover les bâtiments, renouveler les équipements… et permettre l’épanouissement de tous les jeunes. Avec des cours de langues qui méritent ce nom, des cours d’histoire, de sport et artistiques pour tous, donnés dans des petites classes…

Les 34 millions d’euros proposés par la ministre francophone de l’enseignement ne représentent même pas 0,5% de ce montant qui manque à l’enseignement.

La communautarisation de l’enseignement, devenue effective en 1989, a été un des prétextes de cet énorme désengagement de l’Etat. Elle s’accompagnait en effet d’un gel des budgets qui, depuis, ont augmenté bien plus lentement que la croissance économique.

Mais si la communautarisation en a été un prétexte, la vraie raison du sacrifice de plusieurs générations de jeunes issus des classes populaires, dans des écoles dégradées d’abord et avec le chômage ensuite, c’était la crise de 1974. Pour subventionner les entreprises et réaliser les investissements que les capitalistes ne voulaient plus faire, la dette de l’Etat s’est accrue en quelques années de 20% à 120% du PIB. Les profits des entreprises redécollaient pour atteindre des sommets, par contre l’enseignement et les autres services publics commençaient leur descente.

Pour en arriver où ? A la crise de 2008 qui est loin d’être finie et dont les conséquences pour les classes populaires et leurs enfants se rajouteront à tout ce qui a été perdu les années précédentes.

Il faut avoir le culot d’une ministre de l’enseignement pour prétendre, comme le fait madame Simonet, que l’enseignement est LA priorité du gouvernement, mais qu’il faut comprendre que lui-même n’a pas d’argent.

Pourtant, l’Etat a pu trouver de l’argent pour soutenir les banquiers et les entreprises après la faillite bancaire de 2008. Ce qui n’est pas possible pour nos enfants, l’est donc pour les banquiers !

Et l’argent existe. Ce n’est pas à nous et à nos enfants de rembourser une dette contractée pour soutenir les plus riches. Pourquoi les banques ne pourraient-elles pas renoncer aux intérêts des prêts ? Leurs actionnaires n’en seraient pas sur la paille pour autant. Les profits des banques et des grandes entreprises battent des nouveaux records. Des milliards d’euros sont distribués aux actionnaires qui ne savent déjà plus quoi faire de leur argent, des milliards qui iront gonfler la spéculation pour préparer la prochaine crise. Et là, que feront les ministres? Fermer plus d’écoles ? Ce n’est pas impossible, c’est ce qui se passe déjà aux Etats-Unis, en Grèce, et ici même.

Non, l’enseignement, l’avenir de nos enfants, n’a pas la priorité dans le système capitaliste, ni des gouvernements à son service, qu’ils soient régional, national ou européen. Le profit des capitalistes est leur seule priorité. Les capitalistes ne voient pas plus loin que le prochain dividende, ils sont prêts à détruire l’éducation, la société et la planète, c’est bien pourquoi le système capitaliste lui-même n’a pas d’avenir.

Ils récolteront la tempête qu’ils auront semée. Et tous ensemble, nous avons les moyens d’imposer d’autres règles que celle du profit. C’est indispensable !